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le mercure de l’amalgame d’argent, où s’est concentré tout l’argent préalablement ramené, par la vertu du procédé, à l’état métallique, et cet amalgame ne représente qu’un centième du poids du minerai traité, sans autres substances que 2 à 3 pour 100 de sel ordinaire, 1 à 3 pour 100 de magistral (pyrite de cuivre et de fer calcinée) et 3 millièmes de mercure[1].

Ce système ingénieux s’applique sans effort à des masses indéfinies. Pour laboratoire, il n’exige rien qu’une aire dallée, où les tas de minerai réduits en pâte sont étalés et où des mulets viennent piétiner en bandes.

Une fois armés du procédé de Médina, les Espagnols élevèrent des établissemens immenses, où ils travaillent jusqu’à 15 millions de kilogrammes de minerai. Les idées de ce peuple ont souvent un cachet de grandeur. Il conçoit plus volontiers sur une grande échelle, et il fut un temps où il avait la force d’exécuter comme il avait conçu. Les travaux de quelques-unes des mines furent sur des proportions grandioses, extrêmes. Le puits principal de la Valenciana a une profondeur perpendiculaire de 627m, 67 et un diamètre de 8m, 48. Il y a des puits d’une largeur de 10m et même de 12m[2]. Ces dimensions extraordinaires et quant à la largeur tout-à-fait extravagantes donnent l’idée de l’audace et de la puissance avec lesquelles le minerai est attaqué. Examinons comment on le traite.

Dans la plupart des minerais, l’argent est à l’état de sulfure simple (argent noir) ou d’un sulfure composé (argent antimonié sulfuré qui est rouge)[3] ; puis il y a de l’argent natif, et enfin, mais rarement, du

  1. On emploie plus de mercure, quatre fois autant ; mais les trois quarts du mercure employé font partie de l’amalgame d’argent qui est le dernier produit de l’opération, et on retire l’argent de cet amalgame sans perdre de mercure. Le seul mercure que nous comptions ici est celui qui est perdu ; il s’élève à 12 onces ou à 13 moyennement pour un marc (8 onces) d’argent, soit 3 millièmes du poids du minerai, quand celui-ci rend 2 millièmes d’argent.
  2. A New-York, une belle maison a 25 pieds anglais ou 7 mètres 60 cent, de façade.
  3. Les minerais ainsi riches en sulfure d’argent simple ou multiple se nomment, en langage de mineur mexicain, negros (noirs), moins cependant parce qu’en effet le sulfure d’argent offre cette couleur qu’à cause des sulfures de plomb et de zinc dont la roche est mélangée, et qui dominent comme substances colorantes. Dans leur partie la plus voisine du jour jusqu’à une profondeur quelquefois considérable, les filons ont subi l’action de l’oxygène de l’atmosphère, qui agit sur les sulfures ; il en résulte que les métaux autres que l’argent s’y présentent principalement à l’état d’oxyde ; quant à l’argent, sa combinaison avec l’oxygène étant beaucoup moins stable, il passe alors à l’état métallique. La nuance ocreuse ou rouge de l’oxyde de fer, qui provient de la décomposition du sulfure de ce métal dont la masse du minerai est toujours plus ou moins mélangée, colore fortement la roche, et les minerais prennent le nom de colorados. Dans les colorados, une partie au moins de l’argent est à l’état d’argent natif, ce qui en rend le traitement plus facile. Au Mexique, les minerais negros forment les sept huitièmes de ceux que l’on traite. Au Pérou, les colorados, qui y portent le nom de pacos, représentent une proportion beaucoup plus forte qu’au Mexique. Cependant à Catorce (Mexique) tout le minerai qu’on exploite est à l’état de colorado. Cette mine cependant à 509 mètres de profondeur. Nulle autre part les colorados n’ont été trouvés à une profondeur pareille ; les mines du Pérou sont en général beaucoup moins profondes que celles du Mexique. Il est bon de remarquer qu’à Catorce il y a assez peu d’argent natif. L’argent y est principalement à l’état de chlorure (argent gris).