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prédécesseurs des Espagnols dans la domination du pays, paraissent avoir eu pour la conservation des bois des règlemens forestiers fort sages et fort sévères. La race espagnole, au contraire, héritière en cela des Arabes pasteurs, dévaste les forêts sur son passage. Il y a telle usine qui paie le bois presque au même prix que le citadin de Paris pour sa cuisine économique[1]. La houille serait un bienfait du ciel pour l’empire mexicain ; mais, jusqu’à présent, on ne l’a rencontrée que vers le littoral, particulièrement près de Tampico, en remontant le Rio-Panuco, et les transports sont si difficiles, qu’à moins que les houillères ne se trouvassent très voisines des gîtes métallifères, elles ne seraient d’aucun secours pour l’industrie des mines. Tout se transporte ici à dos de mulet, et à des prix qui sont sept fois plus élevés que ceux du roulage en France[2].

Lors même que l’eau serait moins rare sur le plateau mexicain, on ne pourrait en tirer le même parti qu’en Europe pour la préparation mécanique du minerai. Par une circonstance qui semble sans exemple, le minerai mexicain, dans plusieurs cas, ne se prêterait point à ces lavages employés avec tant de succès en Europe sur les minerais, préalablement pulvérisés, de cuivre, de plomb et d’étain, afin de séparer les parties métalliques de la gangue ou roche stérile, et d’en concentrer ainsi la richesse en un moindre volume et un moindre poids. Souvent l’argent est disséminé dans la gangue en particules si menues, que même les boues que le plus habile laveur distrairait les premières de la masse retiendraient encore une bonne proportion de l’argent[3]. C’est que la plus grande partie de l’argent enfermé dans le minerai mexicain est à l’état de sulfure simple ou composé ; ces sulfures sont fragiles et se mettent aisément en poudre extrêmement fine, aisée à entraîner par conséquent dans le courant de l’eau de lavage avec les boues réputées stériles.

Que faire donc ? Les Espagnols semblent avoir reçu de la nature l’instinct de la métallurgie. Célèbres dès l’antiquité la plus reculée par leurs

  1. Le prix du bois pour les usines à argent du Mexique est communément de 2 francs 50 cent, à 3 francs par 100 kilog. Un stère, supposé de 360 kilog., coûterait donc de 9 fr. à 10 fr. 80 cent. ; mais quelquefois, et par exemple sur une partie des puits du Fresnillo, le prix est de 14 francs 50 cent. Les forges françaises, qui pourtant paient le bois bien cher, l’achètent, sur pied il est vrai, 3 francs 50 cent. On estime que l’abattage, la façon, la carbonisation et le transport du charbon à l’usine représentent ensemble 1 franc par stère, ce qui porte le prix du stère rendu en charbon à l’usine à 4 francs 50 cent. A Paris, le stère de bois de chauffage rendu chez les particuliers coûte de 15 à 18 francs.
  2. De Vera-Cruz à Mexico, sur la route la plus fréquenté» du Mexique, les transports à dos de mulet se paient sur le pied de 1 franc à 1 franc 35 centimes par kilom. pour cent kilos, selon la nature des marchandises. Le prix du roulage ordinaire en France est de 16 à 20 centimes.
  3. Ce fait résulte positivement des expériences faites à l’école des mines à Paris sur une collection d’environ 100 quintaux des principaux minerais que M. Duport avait apportés du Mexique.