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kilo, valant 222 francs 22 centimes. Aussi l’argent est avili, et je n’ose pas nommer les vases immondes qu’on en fabrique quelquefois.

Autre différence encore avec l’Europe ; mais celle-là est consolante : le mineur est très bien payé au Mexique. Peu de faits, au même degré que la condition des mineurs, sont propres à faire ressortir la bienveillance du gouvernement espagnol pour les races indigènes. L’obligation imposée spontanément par les conquérans aux Indiens de travailler dans les mines avait disparu, long-temps avant l’indépendance, des lois écrites et de la réalité, que dans les pays espagnols il faut toujours distinguer de la loi. Le mineur mexicain est libre, et il est supérieurement rétribué. On a vu plus haut qu’au commencement du siècle, sous le régime colonial, le salaire d’un mineur à Guanaxuato était de 5 à 6 francs par jour, pendant que celui d’un bon mineur saxon, à Freiberg, était de moins de 1 franc.


III. — TRAITEMENT DES MINERAIS D’ARGENT. — PROCÉDÉ DU MINEUR MEDINA.

J’essaie de rendre un compte succinct du travail par lequel on retire l’argent. C’est ce qui va mettre en relief, plus encore que tout ce qui précède, le caractère original de l’exploitation américaine.

L’art fournit des moyens aisés de séparer une proportion d’argent de deux millièmes des matières qui la renferment. On retire à Paris des cendres d’orfèvre jusqu’à des atomes. Le mineur européen a deux moyens d’action, l’eau et le feu. L’eau lui donne une force motrice avec laquelle, un minerai d’une faible teneur étant donné, on le pulvérise ; puis, une fois réduit en poudre, on le lave sous un courant d’eau sur des tables dormantes et des tables à secousse, et c’est ainsi qu’on sépare les particules métalliques de la majeure partie des matières stériles. Ensuite, par le feu, en faisant intervenir une substance tierce, de la classe des fondans, on met en fusion le minerai, et on retrouve au fond du creuset du fourneau les substances métalliques qui s’y sont réunies, une fois liquéfiées, en vertu de leur densité plus grande. L’action du feu, renouvelée plusieurs fois et de diverses façons, finit par avoir raison des minerais les plus rebelles. Ainsi la métallurgie européenne roule sur l’intervention de ces deux élémens, l’eau et le feu. Sur le plateau mexicain, de même qu’au Pérou, il a fallu s’en passer pour retirer l’argent. Transplanté là, le métallurgiste européen s’est trouvé dans la situation de ces proscrits des temps antiques auxquels le feu et l’eau étaient interdits. L’eau est très rare sur le plateau du Mexique, excepté dans quelques lieux privilégiés comme à l’usine de Régla, et il faut user avec parcimonie du peu qu’on en rencontre. Le combustible y est plus rare encore. Il ne paraît pas que les forêts aient jamais été très abondantes sur le plateau mexicain ; mais les souverains aztèques,