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avec une effrayante rapidité. Aussi l’émigration, que le gouvernement métropolitain encourage et développe autant qu’il le peut, est-elle fort mal vue du clergé romain. Il y a là un germe d’antagonisme qui ne saurait manquer, un jour ou l’autre, d’éclore et de fructifier[1].

Après l’expulsion des jésuites et la confiscation de leurs propriétés, — mesures violentes adoptées à la fin du dernier siècle, — l’éducation publique fut à peu près anéantie dans le Canada. Rarement trouvait-on, dans chaque paroisse, deux ou trois cultivateurs en état de lire et d’écrire. La littérature et les sciences n’étaient guère enseignées qu’à Montréal et à Québec, où bien peu de jeunes gens profitaient des facilités qui leur étaient données pour acquérir, à très peu de frais, une instruction dont l’utilité ne leur était pas démontrée. Long-temps après, en 1818, la législature du Bas-Canada vota des fonds pour établir et maintenir un certain nombre d’écoles. Ces allocations continuèrent jusqu’en 1832, et eurent d’excellens résultats, si l’on en juge par le nombre des écoles primaires qui existaient à cette époque dans presque toutes les paroisses, sous la surveillance de quelques notables habitans. On en comptait 1344, non comprises les écoles de filles, ces dernières Annexées à chaque fabrique, et en nombre égal à celui des églises. Deux écoles normales furent établies en 1836, et à cette époque les diverses institutions ayant pour objet l’enseignement public grevaient de 24,000 liv. sterl. par an le budget de la province, où il y a maintenant vingt collèges ou séminaires catholiques, et seulement deux collèges protestans. Le Canada supérieur a doté le collège de Toronto (l’Oxford canadien) de 226,000 ares de terre, et de 66,000 une autre institution qui porte le nom de la province (Upper Canada College). La législature alloue en outre 2,400 liv. par an |Miur les écoles de district et les écoles communales, et de plus, 230,000 acres de terre sont loués ou mis en réserve pour subvenir aux besoins futurs de l’instruction publique. En somme, si l’on excepte les districts les plus excentriques et les moins peuplés, l’enseignement élémentaire est à la portée de tout le monde, et les colons du Canada supérieur profitent amplement de ce nouvel état de choses. Quant aux habitans, ils sont plus indifférens aux progrès des lumières, et l’auteur d’Hochelaga laisse entendre que les prêtres catholiques, s’ils n’apportent aucun obstacle direct à la propagation des connaissances humaines, sont au moins très peu disposés à la favoriser de leur influence. N’oublions pas que ce témoignage, émané d’une plume protestante, ne doit être accepté qu’avec réserve.

Il faut en dire autant des jugemens que porte le même écrivain sur

  1. Pour connaître les fatigues, les inimitiés, les privations que bravent les missionnaires protestans, il faut recourir à l’ouvrage que nous venons de citer en note. C’est un tableau peu littéraire, mais assez naïf, de la vie d’un apôtre dans ces régions à demi sauvages.