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ministérielle, et cette part, comprenant le septième des terres sans maître à l’époque du statut royal[1], était certes assez considérable; mais toutes les sectes comprises sous cette vague dénomination de « protestans » sont venues tour à tour demander leur part des clergy reserves, et toutes l’ont reçue ou la reçoivent. Par un acte tout récent de la législature britannique, il est décidé que l’on vendra ces domaines religieux pour répartir immédiatement les fonds qui en proviendraient. L’église d’Angleterre demande en nature ce qui lui revient, calculant que la vente de ces terres, différée de quelques années, se ferait dans des conditions tout autrement avantageuses.

Elle ne compte pas plus de deux cent vingt mille sectateurs épars dans les deux Canadas. Le catholicisme, bien autrement répandu, — car beaucoup d’émigrans irlandais appartenant à la religion romaine viennent grossir le nombre des catholiques français, — est aussi beaucoup plus richement doté. Le Canada inférieur est sous la tutelle religieuse d’un archevêque assisté de deux évêques dont chacun a son coadjuteur. On n’y compte pas moins de soixante-quinze églises, vingt couvens et dix collèges ou séminaires. Le Canada supérieur a soixante-dix églises, un évêque et un coadjuteur. Des terres immenses dépendent de ces établissemens. L’île tout entière où Montréal est bâtie appartient, par exemple, au séminaire des Sulpiciens. D’autres seigneuries, dont quelques-unes renferment d’incalculables ressources minéralogiques, sont également inféodées au clergé romain; les couvens, où l’on apporte souvent de très riches dots, accumulent ainsi des richesses considérables, et enfin la dîme du vingt-sixième que les cultivateurs prélèvent sur les récoltes en grains, — dîme qu’on a étendue récemment à tous les autres produits de la terre, — vient compléter ce système de dotations religieuses qui assure une existence florissante à l’église canadienne. Aussi le clergé catholique s’est-il toujours montré favorable à l’influence du gouvernement anglais. La confiscation des domaines immenses que la compagnie de Jésus possédait aux environs de Québec est maintenant oubliée, et les agens de l’Angleterre peuvent compter qu’en échange de la protection accordée par eux à la foi catholique, les prêtres papistes repousseront de leur mieux l’invasion des idées américaines, beaucoup moins favorables, comme chacun sait, au maintien des corporations religieuses, à l’enrichissement des ministres du culte. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que les progrès du protestantisme doivent, à la longue, anéantir ces bonnes dispositions, cette mutualité de bons offices, fondée sur des intérêts purement mondains. Chaque jour les meilleurs fermages passent des mains d’un indolent catholique dans celles d’un protestant industrieux, et la dîme payée aux curés diminue, dans certains districts,

  1. George III, Anno regni 31.