laissâmes engager par l’Angleterre : Pitt, qui entrait au ministère, nous accusait de vouloir conquérir l’Amérique en Allemagne. En réalité, c’était notre astucieuse rivale qui, profitant de nos folles guerres sur l’ancien continent, envahissait peu à peu nos possessions du Nouveau-Monde. Ni Louis XV, ni Mme de Pompadour, ni M. de Choiseul, alors apprenti ministre, n’étaient en état de les lui disputer. Tandis que Contades et Broglie, battus à Minden, se consolaient en s’accusant l’un l’autre, tandis que les officiers de cour perdaient notre marine à force de mollesse et d’insubordination, tandis que, rêvant une descente en Angleterre, on faisait anéantir sur les côtes du Portugal et de la Bretagne les dernier débris de nos forces navales, Montcalm, un héros, abandonné par la métropole, tenait en échec, avec une poignée de braves secondés par les indigènes, les armées que l’Angleterre envoyait coup sur coup au Canada. La lutte dura quatre ans et se termina par la mort de Montcalm au pied des murailles de Québec. Wolfe, le général victorieux, succomba le même jour, et les deux guerriers dorment côte à côte sous le même marbre. Québec une fois soumise, les forts secondaires durent se rendre; la navigation des lacs appartint aux vaisseaux anglais; les communications de la Louisiane et du Canada furent interrompues, et les troupes qui nous restaient, après avoir tenu bon, quelques mois encore, derrière les murs de Montréal, capitulèrent à leur tour. Ainsi s’amoindrissait notre puissance coloniale pendant cette tempête sanglante qui agita sept ans la vieille Europe, coûta la vie à huit cent mille hommes, et dont l’Angleterre profita seule. Le traité de Paris lui assura toutes ses conquêtes, au nombre desquelles étaient l’Acadie, le Canada, le cap Breton, le golfe et le fleuve Saint-Laurent.
Un an après (1764), une proclamation royale substituait les lois anglaises à la coutume de Paris dans les régions récemment conquises. Toutefois l’immense majorité des habitans ne pouvait se plier au nouveau code, qui fut révoqué au bout de dix ans, à quelques réserves près, dont les colons anglais, encore en minorité, ne surent point s’accommoder. Les droits seigneuriaux rétablis dans les districts de l’est pesaient à leur austère indépendance. Ils se séparèrent des habitans français, et allèrent à l’ouest fonder ce qu’on appelle aujourd’hui le Canada supérieur. Encore aujourd’hui, après quatre-vingt-trois ans de commune existence, les deux races sont désunies comme au lendemain de l’invasion, et le despotisme britannique, reculant devant la crainte de voir la province française se donner aux États-Unis, a dû tolérer toutes les anomalies de mœurs, de religion, de langage, qui se perpétuent dans ce pays étrange, mi-parti catholique et protestant, mi-parti gaulois et anglo-saxon.
En 1791, chaque province obtint sa législature, composée de deux chambres : l’une élective; où les colons ont leurs organes ; l’autre à la