importations doivent inévitablement progresser ou décroître ensemble, et l’accroissement du commerce avec les États-Unis doit restreindre d’autant le commerce avec l’Angleterre. Il arrivera donc un moment où celle-ci ne trouvera plus dans le mouvement des échanges avec le Canada l’équivalent des dépenses qu’entraîne l’occupation d’un pays si éloigné, la compensation des embarras que lui donne le gouvernement plus ou moins représentatif de cette colonie turbulente. Ce jour-là, sans qu’un seul milicien passe la frontière, sans qu’un seul navire de guerre paraisse sur les grands lacs, sans qu’un seul canon soit braqué sur les formidables remparts de Québec, le Canada, livré à lui-même, n’aura plus à choisir qu’entre une existence indépendante et sa participation aux bénéfices assurément assez manifestes qu’il peut retirer de son admission dans la ligue américaine.
Or, voici dans quelles conditions cette alternative peut se présenter. Le Bas-Canada compte environ 750,000 habitans, dont près de 500,000 Français; le Haut-Canada, 650,000, en tout 1,400,000 sujets britanniques, auxquels il faudrait ajouter, pour apprécier l’augmentation dont ce nombre est susceptible, un arrivage annuel de 25,000 émigrans, s’il n’était démontré qu’une bonne partie de ces nouveaux débarqués, chassés du Canada par les rigueurs du climat, passent bientôt après aux États-Unis, où les attendent d’ailleurs un système de taxes beaucoup moins onéreux, et des terres plus fertiles, dont la mise en valeur est plus promptement productive. Dans l’impossibilité où nous sommes d’apprécier cet élément douteux, bornons-nous à la population fixe. Elle a doublé jusqu’ici, sous l’influence des lois actuelles, par chaque période de vingt-cinq ans. Prenons un demi-siècle pour terme de nos prévisions : le Canada aurait, à l’époque où il devrait aspirer à une existence indépendante, 5 millions et demi d’habitans. Or, dans le même laps de temps, que sera devenue la fédération américaine? Les tories anglais vont répondre pour nous à cette question.
« En cinquante ans, dit l’historien Alison, la population de New-York, de 33,131 habitans, est arrivée à 312,710; celle de Baltimore, de 13,503, à 102,313; celle d’Albany, de 3,498, à 33,721. L’Ohio tout entier comptait, en 1790, 3,000 habitans; le dernier recensement (1840) donne pour chiffre de sa population 151,467 individus; enfin les neuf états compris dans le bassin du Mississipi, et qui avaient à la même époque 112,368 habitans, en comptent aujourd’hui plus de 6,000,000. Il serait peu raisonnable de prendre pour base de nos calculs ces résultats véritablement prodigieux et tout-à-fait inouis dans les annales du monde; mais une appréciation plus générale a constaté que la population des États-Unis, depuis deux cents ans, a doublé par chaque période de vingt-trois ans et demi, sans que cette loi ait subi la plus légère variation. Il n’est pas probable que ce mouvement s’arrête de long-temps, puisque