l’Union américaine. Et d’abord, se laissera-t-elle enlever les vastes colonies qui lui restent encore sur les frontières de la république émancipée? Non, sans doute, aussi long-temps qu’elle pourra les défendre; mais enfin, si elle doit les perdre, si la même fatalité qui lui a déjà ravi les riches contrées qu’arrosent l’Arkansas, l’Ohio, le Mississipi, doit amener un jour la séparation des deux Canadas, de l’Acadie, du Nouveau-Brunswick et de toutes les régions polaires qui bordent la baie d’Hudson, il faudrait au moins que cette séparation, accomplie sans violence, préparée de longue main, ne servît pas les projets ambitieux des états confédérés; il faudrait que toutes ces provinces anglaises, réunies par leurs maîtres actuels en un seul état, — et sans doute en un état monarchique, — leur donnassent sur le nouveau continent un allié fidèle, entraîné à jamais dans leur sphère d’activité, soustrait pour jamais à ces tendances envahissantes que les écrivains anglais signalent avec tant de soin dans la politique américaine. Le voyageur cherche les meilleurs moyens d’arriver à fondre dans un tout homogène, à soumettre aux mêmes lois, à pénétrer du même esprit ce peuple nouveau dont il rêve pour ainsi dire la création, cette autre Bretagne formée à l’image de la première, et posée au nord du nouveau continent pour tenir en bride la grande rivale de sa sœur aînée. Ainsi se trouve expliqué le second titre de son livre : L’Angleterre dans le Nouveau-Monde.
Ces vues exposées, il nous serait loisible de les débattre. Nous pourrions facilement démontrer cette vérité, pressentie par vingt historiens, — et cela dès le commencement du siècle, — que les possessions anglaises ne peuvent manquer, à un moment donné, de s’absorber, par une annexion pacifique ou violente, dans cet empire naissant dont l’avenir effraie déjà ses plus fiers ennemis. La civilisation existe au même degré sur les deux rives du Saint-Laurent; la différence des croyances religieuses, atténuée par la multiplicité des sectes, n’empêche pas les colons anglais et les citoyens américains de préluder, par des rapports de plus en plus intimes, à une alliance définitive. On ne croira pas sans doute que les premiers, saisis d’un zèle chevaleresque, en viennent à défendre pour l’honneur des principes la royauté métropolitaine contre les apôtres armés de l’indépendance: enfin, cette loyauté merveilleuse existât-elle, à l’heure présente, chez les colons du Canada supérieur, pour la plus grande partie Anglais d’origine, les habitans français du Bas-Canada, si profondément séparés de la race anglo-saxonne par de véritables griefs et par la différence des mœurs, ne resteront pas toujours, on peut le penser, les alliés fidèles, les champions dévoués d’une constitution qui ne leur assure, en échange d’une protection douteuse et méprisante, que l’ombre de quelques droits politiques.
C’est cependant à ces seules conditions que l’Angleterre pourrait conserver le Canada. Elle l’aurait perdu depuis long-temps si