vers sur Sigalon, ami du poète et peintre regretté, mort dans sa lutte avec Michel-Ange, en copiant le jugement dernier. Une des pièces où il a mis plus d’animation et de verve, c’est une chanson à un poète parisien qui l’appelait dans les rangs démocratiques ; M Reboul refusait vivement cet honneur. C’est qu’en effet l’auteur de l’Ange et l’Enfant n’est point du tout un poète populaire ; rien dans ses vers ne décèle que la main d’un ouvrier les a tracés. Peut-être s’est-il ravi des ressources naturelles en dépouillant, pour ainsi dire le vieil homme, en paraissant oublier des habitudes qui auraient pu féconder son inspiration et lui donner une originalité plus saisissante ; mais, en compensation, il a eu du moins un mérite : il a su éviter la faiblesse de se faire l’écho de haines désormais injustes contre les inégalités sociales. C’est là ce qu’il faut reconnaître, quelque jugement qu’on porte d’ailleurs des productions nouvelles de M. Reboul.
Dans cette route heureuse de la poésie, on est toujours sûr de rencontrer des femmes que tente l’appât brillant de la gloire littéraire et qui s’élancent à l’appel de la muse. Natures plus faciles à s’émouvoir, plus promptes à laisser éclater leurs chants, comme les harpes qui vibrent au premier souffle, à qui siérait-il mieux de reproduire ce qu’il y a de délicatesse, de sensibilité dans l’ame et ces mille secrets de la passion qui donnent la vie à la poésie ? Elles aspirent aussi à prendre rang parmi les représentans de l’inspiration moderne. A part ce grand poète de la prose qui laisse s’égarer son inspiration sans la perdre, et qui pourrait encore, s’il le voulait, être tout puissant par la force d’un génie naturel, à part ces talens distingués, — Mme Tastu et Mme Desbordes-Valmore, — combien de jeunes femmes ont tenté les mêmes voies, et combien aussi parmi elles ont pu voir bientôt qu’elles avaient trop compté sur la vertu de leurs espérances, qu’elles n’avaient point assez mesuré leurs forces, et qu’elles étaient allées au-devant de mortelles déceptions ! Mme Rostand vient ajouter son nom sur cette liste, qui ne menace pas de se clore. Elle appelle modestement son livre les Violettes et elle raconte, elle aussi, ses jeunes rêves, ses impressions, ses souvenirs, qui n’ont pas eu le temps de se fixer encore, et ses désirs, qui ont tout l’horizon de la vie devant eux. Certes, c’est une inspiration honnête et douce ; mais les Violettes frappent-elles par quelque trait saillant ? Y a-t-il même l’originalité d’une grace modeste, comme le titre le laisse penser ? Mme Rostand admire sincèrement M. De Lamartine, et sa poésie est le fruit de son admiration. Chaque pièce est un reflet vague, affaibli, des Méditations ou des Harmonies ; c’est comme une pure lumière qui nous arrive à travers une double gaze tendue devant nos yeux : le rayon intercepté s’effacet et pâlit, mais derrière on voit briller dans sa plendeur le soleil d’où il vient. C’est donc avec raison que, dans une chaleureuse préface, M. Janin envoie à M ; de Lamartine ce livre comme son bien ; mais c’est trop dire vraiment de le signaler à son admiration et de lui promettre un rang entre les poètes toujours relus par l’auteur de Jocelyn. Il est toujours une chose qu’il est permis de ne point abaisser, même devant une femme jeune et belle, c’est la poésie. M. Janin pouvant, il me semble, faire un éloge plus juste de Mme Rostand : n’était-ce point assez de distinguer une certaine grace très douce et une élégance naturelle qui percent sous l’imitation dévouée et fidèle du maître illustre auquel la jeune poète doit sa première inspiration ?
C’est surtout pour avoir voulu rompre avec les puérilité monotones d’un