aussi peu antique que possible. De là une incohérence choquante, un tumulte d’idée contradictoires, une confusion qui est la véritable image du chaos. Que l’auteur se prémunisse contre cet écueil, qu’il se garde surtout de cette pensée, funeste au point de vue moral aussi bien qu’au point de vue littéraire, que le poète peut aller indifféremment frapper à toutes les portes, demander des inspirations au mysticisme et à l’athéisme. Le poète ne fait qu’exprimer l’homme ; or, est-il indifférent pour l’homme d’introduire dans son ame toutes les croyances, de faire fumer son encens au pied de tous les autels, ou même de croire et de ne pas croire tout à la fois ? C’est bien là le chaos, je le disais ; n’est-ce point ressembler à ces singuliers logiciens que M. Cousin prétendait avoir vus « lui contester le matin les preuves les plus solides et les plus autorisées de l’existence de l’ame et de Dieu et lui proposer le soir de le faire voir autrement que par ses yeux, de le faire ouïr autrement que par ses oreilles… » L’auteur d’Italiam, par le talent qu’il montre dans certaines pages de son livre, est digne d’imprimer un autre essor à son imagination, de purger son esprit de ces incertitudes et de ces rêves stériles, pour arriver à de meilleures fins.
Si M. Foussier est nouveau venu pour nous, s’il date ses essais d’hier, M. Reboul est, peut-on dire, un vieil athlète de la poésie. Il faut s’entendre sur ce mot : le poète de Nîmes n’a terrassé aucune école ni fait triompher aucun système littéraire ; mais il y a vingt ans déjà qu’il fit cette touchante élégie de l’Ange et l’Enfant, d’où lui vint sa renommée. C’est alors que M. de Lamartine lui dédiait le Génie dans l’obscurité, l’associant ainsi au prestige de sa gloire. Flatteuse promesse ! M. Reboul a-t-il justifié les fiers augures qu’on tirait de lui ? Il a publié, il est vrai, plusieurs volumes ; à ses vers lyriques il a ajouté un poème, — le Dernier Jour, — visant à une plus grande élévation. Le succès est allé au-devant de lui ; mais sa position n’a-t-elle pas provoqué ce succès autant que l’éclat de son talent ? Il est certain que beaucoup de vers ont paru qui valaient les siens et qu’i n’ont pas eu la même fortune. Aujourd’hui ce sont les Poésies nouvelles, qui seront jugées vieilles, je le crain. L’auteur ne s’y expose-t-il pas lui-même, en avouant que c’est une addition, un inventaire de sa vie poétique qu’il fait ? Or, ces inventaires peuvent avoir un charme puissant lorsqu’ils viennent d’un homme de génie ; mais qui n’est pas maintenant un homme de génie ? Toujours est-il que les Poésies nouvelles portent la marque de leur orgine, et qu’elles ne sont pas à la hauteur des autres ouvrages de M. Reboul. Pour tout dire, c’est fort médiocre. Il y a des vers qui ne diffèrent pas sensiblement de la prose, et M. Reboul n’a dû céder qu’à des sollicitations bien impérieuses pour publier des vers comme ceux-ci qu’une bergère adresse à un papillon :
C’est bien de ne pas t’effrayer
D’une jeune fille novice ;
C’est elle qui va supplier
Et te demander un service.
Les poésies religieuses sur la Passion et la Madeleine aux pieds du Christ sont également au-dessous du sujet, et, avec la meilleure volonté, on ne peut dire qu’il fût d’un vif et pressant intérêt de chanter la Défaite de Sennacherib. M. Reboul a mis plus de poésie dans quelques autres morceaux, ans la Parole humaine, qui certes ne pouvait être mieux dédiée qu’à M. Berryer, dans les