bien, jaloux de l’humeur du pays : il leur appartient de lutter contre les mauvaises pentes qu’ils pourraient remarquer dans leur propre parti, de ne pas s’abandonner à cette pensée d’égoïsme et d’inertie qui professe que, pour tout conserver, il suffit de ne rien entreprendre.
Le ministère est heureux, et vraiment le moment est assez mal choisi pour lui offrir des conseils. Il voit dans l’atmosphère politique une sérénité si calme et si profonde, qu’il ne saurait imaginer à quel endroit de l’horizon pourrait paraître quelque sombre nuage. S’il éprouve aujourd’hui quelque embarras, c’est de ne plus avoir d’obstacles devant lui. Il a une liberté entière d’action et de mouvement dont il lui sera demandé compte, et voilà l’inconvénient d’un triomphe si complet. Même avant que l’urne électorale eût parlé, M. le ministre des affaires étrangères a reconnu au banquet de Lisieux que le temps avait marché et imposait au cabinet des obligations nouvelles. La victoire, loin d’obscurcir cette vérité, l’a rendue plus impérieuse. Nous nous rappelons que, dans les derniers temps du ministère du 11 octobre, plusieurs membres de ce cabinet, où siégeait M. Guizot, trouvaient qu’après être sortis vainqueurs des longues luttes qu’ils avaient soutenues, leur présence aux affaires n’avait plus d’objet, et ils quittèrent le pouvoir non-seulement sans chagrin, mais avec une sorte d’empressement. Aujourd’hui, dans le cabinet du 29 octobre, on n’éprouve pas la même satiété ; on a la ferme volonté de suffire à une nouvelle carrière. Cette ambition n’est pas blâmable en soi, et elle ne peut être jugée que sur des résultats. Désormais ce n’est plus la durée du ministère qui est en question, mais sa valeur politique. Quels seront ses rapports avec la majorité ? Lui donnera-t-il l’impulsion ou la recevra-t-il ? Quel sera son choix entre les deux tendances qu’il doit remarquer autour de lui, la passion du statu quo, le goût des améliorations ? Il y a dans le cabinet des hommes assez éclairés pour apprécier tout ce que réclament les progrès du temps, les besoins du pays ; mais, auront-ils la résolution nécessaire pour mener à bien des mesures qu’ils tiendront pour opportunes, pour utiles ? Cette question n’est pas hors de propos quand on se rappelle ce qui se passait il y a quatre ans au sujet de l’union franco-belge. Plusieurs ministres paraissaient frappés des avantages et de la nécessité de cette grande mesure, notamment M. Lacave-Laplagne et M. Guizot. M. le ministre des finances s’était livré à un examen qui l’avait convaincu que l’industrie française n’avait vraiment rien à craindre d’une association commerciale avec nos voisins ; Il y a eu un moment où M. Guizot attachait la plus haute importance au triomphe de l’union ; il y voyait un résultat dont sa politique aurait pu être fière. Cependant on se décida à ajourner indéfiniment ce grand projet. Pourquoi ? parce que plusieurs députés avaient pris l’alarme, parce que, sans attendre l’ouverture du parlement, ils s’étaient rassemblés et avaient protesté contre l’alliance commerciale de la Belgique et de la France. C’est devant une pareille réunion sans qualité et sans caractère que nous avons vu le cabinet reculer et abandonner un dessein publiquement avoué. Il est vrai qu’aujourd’hui le redoutable M. Fulchiron ne siège plus à la chambre des députés. Toutefois il est permis de souhaiter que le cabinet ait à l’avenir plus de fermeté contre ceux de ses amis qui voudraient s’opposer aux améliorations, aux mesures qu’il pourrait concevoir. Peut-être l’impôt sur le sel fera-t-il à lui seul les frais de toutes les réformes.
L’opposition a devant elle un avenir laborieux et sévère. Elle n’a pas cherché