accord à raffermir l’état ébranlé. C’est alors que la loi de régence, loi de prévoyance et d’organisation, prit place dans notre droit public à côté de la Charte ; moment d’union trop court entre les partis et les hommes politiques, mais qui, du moins, porta ses fruits, époque mémorable où le centre gauche et son chef apportèrent au gouvernement un si puissant concours, et rendirent à la monarchie des services trop oubliés. Pourquoi la gauche ne suivit-elle pas alors l’exemple qui lui était donné ? Si elle eût marché dans cette voie, elle aurait aujourd’hui plus de force et de crédit ; Cependant, quelques mois après, les chambres revenaient avec les préoccupations les plus sérieuses, notamment sur les questions étrangères. Si le ministère, trouva, une majorité dans le parlement, il dut la conquérir par les plus énergiques efforts, par des engagemens solennels pris à la face des chambres de suivre la politique qu’elles lui indiquaient. Nous ne songeons point à refaire ici l’histoire de la législature de 1842 ; mais qui ne se rappelle les débats ardens et profonds, les amendemens équivalant à une véritable censure, enfin les majorités équivoques qui mirent si souvent le cabinet en péril ? Aujourd’hui le ministère songe avec une satisfaction intime qu’il n’a plus à craindre de parei1les épreuves, et il trouve dans le présent les plus grands motifs de sécurité. Ces motifs, il en faut convenir, sont réels. L’animation politique que nous avons constatée dans les élections et dans la législature de 1842 est presque éteinte.
Bien des causes ont contribué à amortir les sentimens et les tendances qui dominaient il y a quatre ans la principale est la surexcitation de l’industrie, dont le triomphe a été d’autant plus complet qu’il avait été longuement préparé. Ce n’est pas d’hier, c’est il y a dix ans qu’on appréciait déjà toute l’importance des grands travaux publics, des vastes spéculations, enfin des chemins de fer. Des différens cabinets qui tour à tour ont pris les affaires, les uns ont duré trop peu, les autres ont rencontré trop d’obstacles pour pouvoir mener à bien ces grandes et nouvelles questions de l’industrie. Sur ce point, comme sur d’autres, la fortune a favorisé le ministère du 29 octobre. Il a profité des tâtonnemens de ses prédécesseurs, de leurs échecs, de la maturité de la question. Ces chemins de fer si débattus, si attendus, si désirés, il les a eus entre ses mains ; ç’a été un instrument, une diversion. Capitalistes, spéculateurs, agioteurs, grands propriétaires, petits rentiers, toutes les classes enfin, depuis le banquier jusqu’à l’homme de lettres, se sont jetées sur cette proie, qui du reste a trompé bien des convoitises, et l’on voudrait qu’une préoccupation si générale, si unanime, n’eût pas pesé de tout son poids sur l’esprit public pour en changer, pour en altérer les dispositions ! A-t-on le temps, a-t-on l’humeur de s’occuper des affaires du pays, quand on attend avec une impatience fiévreuse la cote de la Bourse, pour savoir si l’on a triplé ou perdu ses capitaux ?
C’est ainsi que l’industrie a tué, pour un temps, la politique en appelant à elle toutes les pensées, toutes les passions. Nous n’avons ni enthousiasme ni anathèmes pour un fait incontestable ; il faut accepter comme tout ce qui est nécessaire. Il est dans le génie et la destinée de notre pays de passer par les situations les plus diverses et de les épuiser. Il y a quinze ans, nous vivions dans l’effervescence qui accompagne toujours une révolution ; la France était possédée de l’exaltation démocratique, et l’opposition était à la mode. Il était même de bon ton de railler les hommes prudens et positifs qui demandaient à la société de se calmer,