d’une manière plus explicite qu’il est des conditions que le pouvoir électoral, si entier qu’on le suppose, ne saurait imposer aux candidats.
Quels sont les vrais rapports entre l’élu et l’électeur ? Que reste-t-il de liberté au premier, et jusqu’où s’étend le droit du second de lier son représentant ? Ces questions sont fort délicates, et vouloir les trancher par une règle absolue conduit, nous le croyons, à l’erreur. Il existe assurément un lien moral entre l’élu et ceux qui l’ont nommé : M. le ministre des affaires étrangères n’a-t-il pas été trop loin quand, pour mieux combattre la doctrine du mandat impératif, il a soutenu, surtout dans le débat sur l’élection de M. Drault, que le député, en entrant dans la chambre, était libre de la manière la plus absolue ? Mais alors il n’y a donc aucune obligation, aucun lien entre les électeurs et l’élu ? Ce dernier peut donc à son gré professer des opinions tout-à-fait contraires à celles qui l’ont envoyé au parlement ? Conséquence absurde, car elle frappe au cœur le système de la représentation. Le député n’est ni dans un état d’indépendance complète, ni dans les entraves d’une servitude sans réserve : dans les circonstances importantes, sa loyauté et son bon sens lui marqueront son devoir. Quant à l’électeur, sa souveraineté ne saurait aller jusqu’à mutiler, jusqu’à dénaturer le mandat de l’élu. La charte dit expressément que les députés sont nommés pour cinq ans ; des électeurs ne peuvent violer cette disposition en limitant à une ou deux années la vie parlementaire de leur représentant. Si on leur accordait cette faculté, on arriverait à cet étrange résultat, que le même collège pourrait s’assurer d’avance les moyens d’envoyer à la chambre trois ou quatre députés pendant la durée d’une seule législature. Maintenant que faut-il penser quand l’électeur se borne à imposer au candidat l’obligation de voter dans tel sens sur une question spéciale ? Une majorité de 151 voix contre 134 vient de décider que, dans ce cas, l’élection est nulle. Cette décision est-elle irréprochable ? N’immole-t-elle pas les droits de l’électeur à la souveraineté parlementaire ? Dans le scrutin dont l’élection de M. Drault a été l’objet, on a vu, du reste, plusieurs membres de la politique conservatrice voter contre la solution à laquelle le cabinet paraissait attacher la plus grande importance.
Le scrutin sur la présidence a montré la force de la majorité. Cette force, au surplus, n’avait été contestée par personne ; elle avait été hautement reconnue à la tribune par les orateurs de l’opposition, par MM. Duvergier de Hauranne et Billault. Pendant que M. Sauzet réunissait 223 voix, M. Odilon Barrot n’en obtenait que 98. Les scrutins pour les vice-présidens et les secrétaires n’ont pas été moins significatifs.
Nous parlions tout à l’heure de ce qu’avait fait et pensé la chambre, en 1842, sur la question d’une enquête parlementaire ; si, sur d’autres points, nous comparons encore 1842 et 1846, nous trouvons de singuliers contrastes. Les élections de 1842 eurent lieu quelques jours avant la déplorable catastrophe du 13 juillet : elles donnèrent à l’opposition, sinon le triomphe décisif d’une majorité numérique, du moins une égalité de forces qui était une vraie victoire morale. Il y eut cette impression générale, qu’en face d’un pareil résultat le maintien du cabinet était presque impossible ; mais, par le coup cruel de la mort du prince royal, tout changea. Les chambres convoquées n’eurent plus à délibérer sur la politique du ministère, mais sur les destinées futures de la monarchie. On fit trêve aux luttes de parti, aux guerres de portefeuille, pour travailler d’un commun