convoqués tous les chefs de pros et les autres Maldivois qui jouissaient de quelque crédit. Notre capitaine y fut aussi appelé. Là, le chef de Tinandou, le vieil Ossen, après avoir protesté de son dévouement pour nous, le supplia de dire aux naufragés de décharger leurs armes, jurant qu’après cette preuve de confiance et d’amitié il commanderait lui-même le départ. Pensant qu’il n’y avait rien à craindre de ces pauvres gens, qui tremblaient si fort à la vue de nos mousquets, le capitaine tira en l’air les pistolets qu’il portait à sa ceinture ; puis, s’éloignant avec nous de quelques pas, il commanda le feu. Deux heures après, nous étions sous voile. Toute la flottille avait appareillé en même temps, nos barques pour l’île Malé, résidence du sultan et capitale de tout l’archipel, les autres pour les différentes îles auxquelles elles appartenaient. Une brise légère soufflait du sud et nous poussait lentement vers un groupe d’îles que nous apercevions à l’horizon. La nuit vint nous surprendre assez loin de toute terre habitée ; alors un homme de l’équipage s’élança à la mer tenant en main un cordage qu’il attacha sous l’eau à la pointe d’un rocher. La nuit fut tranquille ; aux premières lueurs du jour, le capitaine et son équipage mirent le canota la mer, et se rendirent à une petite île déserte pour y faire cuire du riz, dans lequel ils râpèrent, selon la coutume du pays, de la noix de coco, ce qui lui donne un goût fort agréable.
Le temps était magnifique, et la vue s’étendait au loin. Derrière nous, Tinandou et les îles qui l’environnent ai)paraissaient comme une immense corbeille de verdure enveloppée d’une vapeur bleuâtre et transparente ; devant nous se montrait l’île Souadive au milieu des nombreux îlots semés en cercle autour d’elle, et, quand la voile vint animer la barque, ces deux tableaux semblèrent s’animer eux-mêmes : l’un fuyait, l’autre s’avançait de toute la rapidité de notre marche. Bientôt nous eûmes atteint les premières terres ; elles glissaient pour ainsi dire le long de notre bord, et quelquefois nous les rasions de si près, que nos voiles caressaient les arbres du rivage. Le plus souvent elles ne présentaient qu’un massif impénétrable ; mais quelquefois cette muraille de végétation s’ouvrait comme une fenêtre, et le regard se perdait alors dans mille détours, se reposait dans les plus mystérieuses retraites. Il n’était pas rare de retrouver la mer à l’extrémité de quelque longue clairière qui traversait l’île dans toute sa largeur. Sur le soir, la brise devint plus fraîche, et, comme le jour tombait, notre barque s’arrêta dans le port de l’île Souadive.
Le lendemain, j’étais de bonne heure sur le rivage, je parcourus l’île, qui ressemblait à toutes celles du groupe que j’avais déjà visitées : même aspect, même physionomie, même silence ; comme toutes les autres, elle montrait sur sa plage solitaire sa mosquée couverte de roseaux et son cimetière sablonneux. On peut compter dans le village