les sinuosités capricieuses d’un jardin anglais, beauté due au hasard et à l’indolence des insulaires, car ils ont obéi à tous les accidens du terrain, évitant les difficultés et contournant les fourrés épais. C’était notre promenade favorite : ou y trouvait de l’ombre un peu plus tard que dans les autres parties de l’île ; les arbres y étaient plus touffus, plus variés que sur le rivage, où le cocotier seul étend son mobile parasol. On y voyait de beaux arbres à pain et des vacoas chargés de leurs fruits anguleux ; on y était assez éloigné pour rêver tout à son aise, et puis il fallait bien aimer quelque chose d’un pays que la Providence nous avait donné pour asile.
Avant d’arriver à l’endroit le plus ombragé, on avait à traverser le cimetière : c’est une petite plage entièrement nue, où les pierres tumulaires sont rangées avec une symétrie qui témoigne de la considération pieuse, mais calme, avec laquelle ces enfans du prophète envisagent la mort. Sur les fosses, on voit flotter de petits pavillons blancs, seul mouvement, seul fuxe de ces tombeaux, où tout d’ailleurs est repos et simplicité. Ce sable sans nom couvrait des ossemens sans nom. Notre part de terre n’était point là, et cependant nous ne pouvions, sans être émus, regarder ce tertre dépouillé où dormaient tant de générations. Une mosquée s’élève à l’extrémité septentrionale du cimetière : c’est un monument d’une grande simplicité ; elle est tapissée de nattes à l’intérieur, et revêtue extérieurement d’une couche de terre jaune ; on y arrive par un escalier de quelques marches. Tout près se trouve une fontaine au-dessus de laquelle est suspendu un vase formé d’une noix de coco et destiné aux ablutions, que ce peuple dévot ne manque jamais de faire avant d’entrer dans le temple. Il y a aussi, non loin de la mosquée, un petit bassin où les insulaires vont régulièrement se plonger chaque jour. La décence et le zèle pieux avec lequel ils accomplissent ces différentes cérémonies prouvent leur foi naïve et superstitieuse ; ils sont en effet d’une ignorance extrême sur le dogme, et ne connaissent guère de leur religion que le culte extérieur.
Le village de Tinandou compte une cinquantaine de maisons, séparées les unes des autres par de petits sentiers entretenus avec la plus grande propreté. Chaque logement se compose de deux cases adjacentes, qui communiquent au moyen d’une petite porte fermée par un rideau. En entrant, on aperçoit plusieurs lits de repos : celui qui est à droite est le siège du maître de la maison, qui y fait asseoir l’étranger qu’il veut honorer. Les autres sont destinés aux parens et amis, et tous sont couverts de belles nattes variées dans leurs couleurs et leurs dessins. En face du lit du maître, on en voit toujours un d’une forme invariable et digne de remarque. Ce lit est suspendu par quatre chaînes qui, partant des angles, vont se réunir dans un même anneau. La plus légère secousse lui imprime le mouvement d’un balancier ; il est garni