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milieu du jour, les trois embarcations vinrent successivement échouer sur un sol aride et brûlant. L’île où nous abordions était déserte ; entourée d’une ceinture de sable, elle montrait à l’intérieur quelques cocotiers élevant leurs têtes au-dessus d’un massif d’arbustes variés.

A peine avions-nous touché ce rivage, que nous y vîmes arriver plusieurs de ces longues embarcations connues sous le nom de pros, et qui doivent à leur marche rapide une renommée qui inspire un certain effroi dans les parages de l’Inde et de la Malaisie. Plus de soixante hommes en descendirent et nous entourèrent ; presque tous portaient de petits poignards à leur ceinture. À cette vue, nos matelots se livrèrent à toutes les terreurs d’une imagination troublée, et ces hommes qui venaient de lutter avec tant de courage contre une mort presque certaine, au milieu des horreurs d’un naufrage, tremblaient à la vue d’une faible lame de couteau. Le matelot est en quelque sorte un être exceptionnel : tant qu’il est à bord, il se rit du danger, s’expose sans réflexion, et semble avoir laissé à son capitaine la responsabilité de sa vie ; à terre, il devient ombrageux et presque timide. Le capitaine, voulant relever le courage de ses hommes, posa ses armes sur le sable, marcha droit à celui qui paraissait être le chef des insulaires, et lui tendit la main. Il fut accueilli avec bienveillance et salué par un discours fort long, mais entièrement perdu pour nous. A peine si nous pouvions, à force de signes, de gestes, de dessins sur le sable, nous communiquer les plus simples pensées. Enfin nos hôtes nous firent entendre qu’ils ne voulaient pas nous laisser sur cette petite île déserte. Ce pauvre coin de terre n’était pas très séduisant, il offrait peu de ressources, on ne pouvait même s’y procurer de l’eau qu’en creusant profondément dans le sable, et cependant nous ne le quittâmes point sans regret ; c’était la première terre qui nous avait reçus dans notre naufrage.

On eut bien vite transporté nos vivres et nos bagages sur les pros. Celui que nous montions donna le signal du départ, et les autres le suivirent, traînant nos embarcations à la remorque. C’était un spectacle curieux de voir toutes ces voiles légères joutant de vitesse et se jouant, pour ainsi dire, sur les belles eaux de ce bassin. J’admirais la précision de leurs manœuvres, l’adresse avec laquelle elles évitaient les pointes de rocher dont les atollons sont intérieurement parsemés. Le vent faiblissait, et il nous fallut renoncer à l’espoir d’atteindre ce jour-là l’île désignée pour notre résidence. Une île voisine, nommée Nunda-Ally, fut choisie pour lieu de relâche, et toutes les barques y allèrent mouiller. A l’arrivée de chaque embarcation, un homme s’élançait dans la mer, et plongeait tenant à la main un cordage qu’il allait attacher sous l’eau, à quelque pointe de corail. Nous trouvâmes un calme parfait dans ce lieu : c’était une petite baie, abritée par un rideau de magnifiques