flottent quelque temps encore sur les fleurs, les arbres, les hautes montagnes, en attendant qu’elles s’élèvent vers une autre sphère.
Après s’être efforcé de nous convaincre des avantages du système thalysien, l’auteur examine la valeur des obstacles qui s’opposent à la pratique de ses idées. Peut-on changer l’alimentation d’un être, et ces changemens amènent-ils des modifications équivalentes dans ses facultés morales ? Cette question ne sera complètement résolue que par les faits. Spallanzani supprime un jour la viande à un aigle qu’il nourrissait avec des animaux vivans, et ne lui donne que du pain ; l’oiseau de proie refuse cet aliment, et passe quatre jours sans manger. Cependant Spallanzani force son aigle à avaler ce pain, l’animal le rejette. Le célèbre naturaliste prend alors le parti de mêler de la viande avec le pain ; l’aigle accepte et digère le nouvel aliment ; la quantité en et augmentée graduellement ; on le lui donne enfin sans addition de chair, et l’aigle s’en contente Le même observateur vint à bout, par le jeûne, de vaincre la répugnance d’un pigeon pour la viande ; l’oiseau s’accoutuma si bien à cette nourriture, qu’il refusait les végétaux et même les graines. On voit donc que les animaux peuvent passer d’un régime à un autre, sans que ce changement entraîne la mort. Là s’arrêtent malheureusement ces détails instructifs ; Spallanzani ne nous dit pas si les mœurs de l’aigle devenu frugivore s’étaient doucies, et si celles du pigeon carnassier avaient perdu leur innocence. De semblables expériences ont été faites sur divers animaux : des chevaux, des bœufs, des moutons ; oubliant leur aliment naturel, en étaient venus à se nourrir exclusivement de chair ; il paraît que cette nourriture avait communiqué aux chevaux surtout une excitation qui n’est pas dans leur nature. Daubenton croyait qu’en changeant le régime alimentaire des animaux de proie les plus redoutés, on les rendrait, après quelques générations, aussi traitables que nos animaux domestiques. Un lion vivait dans la cour d’un pensionnat, réduit à l’état de frugivore, il avait perdu son caractère féroce ; les enfans jouaient et partageaient avec lui leur déjeuner frugal : il les prenait dans ses bras, non pour les étouffer, mais pour leur prodiguer ses caresses. On devine le parti que M. Gleïzès tirait de ces expériences : en dépouillant les animaux féroces de leur caractère par le moyen d’une nourriture végétale, il espérait les faire entrer un jour dans l’institut thalysien avec les moutons et les biches rassurés. Outre que ces observations n’ont pas été suivies, il est évident que si le régime végétal a la vertu d’adoucir les animaux de proie c’est en les amoindrissant, c’est-à-dire en leur enlevant cette rude et fauve crinière, ces yeux ardens, ces traits animés, qui sont chez eux des ornemens de la nature ; un tel système en ferait, si l’on ose hasarder cette expression, des monstres de douceur.
Les meilleures raisons que l’auteur de Thalysie apporte en faveur de