véritable esprit du système qu’on a attribué, à tort ou à raison, à Colbert. On protégeait les manufactures ; mais, loin d’étendre cette protection sur les produits naturels, on allait même quelquefois jusqu’à en interdire l’exportation : système vicieux sans aucun doute, mais fort supérieur à notre système présent. Si l’agriculture, devait en souffrir, on a vu que l’industrie manufacturière devait en recevoir, au contraire, une vigoureuse impulsion. En effet, jusqu’à l’époque de la révolution, malgré les vices de notre régime intérieur, la France tint en Europe le sceptre des manufactures ; l’Angleterre ne marchait que loin derrière elle, et tous les écrivains du temps, comme tous les documens officiels, l’attestent.
En 1814, la France adopte une politique nouvelle qui consiste à frapper de droits à l’importation les produits naturels aussi bien que les produits ouvrés. « C’est surtout, disait M. de Saint-Cricq, l’un des principaux promoteurs de ces innovations ; c’est surtout par rapport à l’agriculture qu’ils (les législateurs de 1814) ont innové, à l’agriculture jusque-là délaissée par les tarifs ; sous l’impression de cette vieille maxime que la surabondance des produits naturels ne saurait jamais nuire. Les droits qui protègent les céréales, les laines, les bestiaux, les huiles (ajoutons-y les fers), sont leur ouvrage, et ils se félicitent, comme d’un service rendu, d’avoir mis en honneur un principe trop long-temps méconnu. » Quoi qu’il en soit de ce service, il est certain que c’était là renverser de fond en comble le système de Colbert, dont ces législateurs invoquaient sans cesse le nom, et non pas, comme le suppose M. de Saint-Cricq, le continuer en le complétant. Aussi la supériorité que l’industrie française avait conquise sous l’empire de cet ancien système ne devait-elle pas lui revenir ?
Sous ce nouveau régime, la France, qui avait perdu au milieu du tumulte des armes le sceptre des manufactures, ne peut plus le reprendre. Tous ses produits ouvrés, plus chers que ceux des autres pays, ne trouvent un faible débouché au dehors que grace à la supériorité de son goût, et, malgré l’accroissement prodigieux survenu dans le mouvement général du commerce des peuples, ce n’est qu’en 1830, après quinze ans de paix, que ses exportations arrivent à égaler le chiffre de 1787. Qu’on ne pense pas, d’ailleurs, que ce nouveau régime fût plus favorable que l’ancien à son à son agriculture ; nous croyons avoir montré le contraire. On s’abuserait gravement si on en jugeait par l’état réel de la culture aux deux époques, car il faut se souvenir que, sous l’ancien régime, les gens des campagnes étaient écrasés par des impôts vexatoires et désastreux, et qu’en outre la circulation des produits du sol était gênée à l’intérieur par des entraves, qui sous le nom de douanes intérieures ou de péages, se multipliaient de toutes parts. Ce qui tranche la question en faveur de l’ancien système, même au