l’unité de l’état, quelques symptômes de décadence se révèlent. L’agriculture s’arrête dans ses progrès. On ne voit plus, par exemple, la production du coton, qui en est une des branches principales, suivre comme autrefois d’un vol rapide la marche ascendante de l’industrie européenne et satisfaire sans peine ses besoins croissans. Les sources du bien-être tarissent peu à peu, et bientôt le paupérisme naîtra. Si ces symptômes funestes ne sont pas encore très visibles de loin, ils ne tarderont pas à frapper tous les regards.
C’est dans un intérêt purement fiscal que les douanes des États-Unis ont été d’abord instituées. En ce sens, le système américain n’était à l’origine qu’une application de ce principe que nous avons regardé comme inoffensif et même fécond, celui des droits non protecteurs, mais seulement productifs de revenus. Malheureusement on n’a pas su éviter les écueils dont ce système est semé. Etablis sur une assez grande variété d’articles, la plupart manufacturés, les tarifs ont bientôt changé de caractère et sont devenus protecteurs, quoi qu’on en eût. Derrière la ligne des douanes se sont élevées ces industries parasites dont nous parlions plus haut, qui, profitant de l’augmentation survenue dans la valeur vénale des articles frappés de droits, ont fait tourner cette augmentation à leur profit ; pompant le revenu public, vivant d’une vie artificielle, se créant une prospérité factice dont le trésor fait tous les frais : industries d’ailleurs brillantes dans leurs développemens, que les nationaux admirent, dont il sont fiers peut-être ; et qu’il regardent comme une richesse nouvelle ajoutée à toutes les autres, parce qu’ils ne voient pas la source impure qui les nourrit. Cette tendance, il faut le dire, n’est pas nouvelle aux États-Unis, car les tarifs n’y datent pas d’hier, mais les droits y ont été long-temps modérés, et telle était la prospérité des branches réellement fécondes de l’industrie nationale, qu’il a fallu des droits très élevés pour en détourner les capitaux et les hommes, et les engager à se porter avec quelque ardeur et quelque suite dans ces directions nouvelles où ils avaient à soutenir une lutte inégale contre les manufactures européennes.
Ce qui a fait long-temps la véritable grandeur ou la prospérité de l’Union américaine, c’est le prodigieux développement de son agriculture, suivi d’un progrès correspondant de sa marine marchande. Tous les capitaux engagés dans ces directions y rapportaient, grace aux circonstances favorables dont nous avons parlé, des bénéfices considérables, qui se répartissaient avec une largesse égale entre le capital et le travail. Voilà précisément ce que l’application des tarifs vient changer. Aux sources si fécondes où les Américains puisaient une somme de richesse et de bien-être incomparable, ils tendent à substituer ces industries européennes déjà appauvries par une concurrence trop générale et trop ardente, et où les populations de l’Europe même ne trouvent