les fers français tomberont au même prix que les fers étrangers, et prétendre qu’il faut attendre cet heureux moment pour supprimer les droits. Disons hautement que ce jour attendu n’arrivera pas. Jamais, tant que les droits actuels subsisteront, les fers français, avec, quelque économie qu’on les produise d’ailleurs, ne descendront aux prix des fers étrangers, car le monopole est là qui s’y oppose. Toujours la différence actuelle se maintiendra, et de plus, sauf quelques variations accidentelles, cette différence sera, dans la suite des temps, comme elle l’est aujourd’hui, sensiblement égale à tout le montant des droits. Et ne suffit-il pas de considérer le passé pour s’en convaincre ? Certes, l’industrie métallurgique française a fait de grands progrès depuis trente ans, moins rapides, à coup sûr, que ceux qu’elle aurait pu faire sous l’empire du commerce libre, mais réels et sensibles. Chaque année, toutes les voix de la renommée les proclament. De 1831 à 1843, la production s’est élevée, pour la fonte, de 2,248,054 quintaux métriques à 4,226,219, et pour le fer, de 1,410,571 à 3,084,450, c’est-à-dire que cette production a doublé en douze ans. Ses procédés se sont aussi notablement perfectionnés. Un grand nombre de nos maîtres de forges ont appris à remplacer avec avantage le charbon de bois par la houille. Dans le groupe si important de la Champagne, où la houille ne peut arriver qu’à très grands frais, ils ont appris à économiser considérablement le bois. Qu’en est-il résulté cependant pour le consommateur ? Aucune amélioration sensible, en ce sens, du moins, que le rapport des prix français aux prix étrangers s’est maintenu sans altération sur le marché. Les prix ont baissé sans aucun doute selon toute apparence, ils baisseront encore, pourvu que la concurrence étrangère, qui n’est pas entièrement bannie les sollicite et les presse. Avec tout cela, cependant, une différence égale au chiffre des droits s’est constamment maintenue dans le passé, et on peut dire à coup sûr qu’elle se maintiendra, par la même raison dans l’avenir.
Tout ce passé de notre industrie métallurgique est plein d’enseigne mens, dont malheureusement on ne profite guère. Avant 1814, sous l’empire le droit sur les fers étrangers n’était que de 4 francs les 100 kilogrammes En outre, la Belgique étant alors province française, nos forges de l’intérieur avaient à lutter contre celles de la Belgique à égalité parfaite de conditions. Si l’on en juge par ce qui se passe aujourd’hui, on croira peut-être que ces établissemens succombaient tous sous ce régime. Qu’on se détrompe. Protégées, d’une part, par un droit si faible ; exposés, de l’autre, sans protection aucune, à une concurrence que nous jugeons les aujourd’hui si redoutable, les forges françaises, c’est M. de Saint-Cricq lui-même qui l’atteste, prospéraient ; elles avaient pris un immense développement. Il est vrai que M. De Saint-Cricq attribue cette prospérité à des causes particulières ; mais, sans nous arrêter à cette