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viendraient à s’y produire, à les frapper d’un impôt semblable. Il faudrait en outre, ne pas élever trop haut l’échelle des droits, de manière à ménager une importation abondante de ces marchandises et à éviter la contrebande, dont l’action dissolvante n’est pas moins fatale aux intérêts du trésor qu’à la morale publique.

Quand les droits originairement fiscaux deviennent par occasion protecteurs, faute d’avoir été ordonnés selon les vrais principes, ils ne se distinguent plus guère en cela de ceux qui ont été réellement, établis en vue d’une protection, d’autant mieux que ces derniers ne laissent pas d’être souvent productifs de revenu. Il est très vrai d’ailleurs que dans la plupart des lois de douanes les deux principes se combinent ; on y poursuit à la fois un double but : protéger l’industrie nationale et pourvoir aux besoins de l’état ; et, bien qu’à certains égards ces deux principes soient exclusifs l’un de l’autre, on tâche de les concilier en faisant à chacun d’eux sa part. Selon que l’intérêt fiscal ou l’intérêt de la protection domine dans ces lois mixtes, les résultats en sont plus ou moins onéreux ou favorables. Et qu’on ne pense pas, d’ailleurs, que ce soit ici un médiocre objet. C’est pour avoir accordé depuis long-temps à l’intérêt fiscal une plus large place dans son système que l’Angleterre a pu, dès l’année 1839, élever les recettes de sa douane à la somme énorme de 486,673,000 fr., sans compter le produit du droit sur le tabac[1]. En donnant, dans les années suivantes, une nouvelle extension à ce principe, elle est même parvenue à douer cette branche de revenu d’une fécondité encore plus grande, tout en dégrevant un nombre considérable de produits, tandis qu’en France, où l’on a suivi des tendances contraires, bien qu’il n’y ait presque aucune marchandise étrangère que la douane n’atteigne, les recettes ne s’élèvent encore qu’à la somme relativement faible de 150 à 152 millions par ans. Qu’on juge par là de tout ce qu’il serait possible d’obtenir en France en y développant ce principe fécond. Quelle ressource méconnue ! quel puissant levier pour l’homme d’état qui voudra s’occuper sérieusement d’alléger le poids des charges publiques !

A ne considérer les droits de douane qu’au point de vue de la protection, ils se divisent en deux classes profondément distinctes, selon qu’ils s’appliquent aux articles manufacturés, et d’autres termes, aux produits du travail humain, ou aux produits naturels, fruits de l’exploitation du sol ou des mines.

  1. Les recettes de la douane anglaise, pour l’année finissant au 5 janvier 1840, s’élevaient en tout à la somme de 22,962,610 liv. st., soit 574,000,000 fr. afin de comparer plus exactement les recettes effectuées en Angleterre et en France, nous retranchons de cette somme le produit du droit perçu sur le tabac, produit qui ne figure pas en France dans les tableaux de la douane. Il s’est élevé en Angleterre, pour l’année dont nous parlons, à la somme de 87,392,000 francs.