national : c’était donc une querelle de nationalité égyptienne et surtout alexandrine.
Du reste, la même cause produisit les mêmes effets. Les scènes violentes se renouvelèrent ; on égorge Protérius, comme on avait égorgé l’évêque George, et Apollinaire fit massacrer par des soldats son propre troupeau. Si les sectes qui divisent Alexandrie n’ont rien d’égyptien dans leurs doctrines, le vieux fanatisme égyptien s’y montre toujours, on le reconnaît à ses fureurs.
Alexandrie, devenue arabe, ne cessa pas tout d’abord d’être grecque, car la science grecque subsista en partie au sein des populations musulmanes et fit presque toute leur civilisation. Après la conquête, dit M. Libri, la science arabe, héritière de la science grecques, en continua quelque temps la tradition dans Alexandrie. Au Ixe siècle, un calife y créa une bibliothèque dont la fondation est plus certaine que la destruction de celle des Ptolémées par Omar. Du reste, on doit reconnaître qu’Alexandrie ne fut pas un foyer scientifique comme Bagdad ou Damas. Négligée pour le Caire, Alexandrie se releva par le commerce ; elle avait toujours sa position admirable, elle en profita de nouveau, de nouveau l’Europe reçut par elle les marchandises de l’Égypte, de l’Arabie et de l’Inde. Marseille, Barcelone, Bruges, Florence, Gênes, Venise, eurent des établissemens à Alexandrie et firent des traités de commerce avec les sultans d’Égypte.
Par cette force des choses qui naît d’une situation essentiellement favorable, Alexandrie redevint ce qu’elle avait été, le lien de l’Orient et de l’Occident, de l’Europe et de l’Asie. C’est à ses rapports avec Alexandrie que Venise doit en grande partie sa physionomie presque orientale. Si Sainte-Sophie de Constantinople et Saint-Vital de Ravenne ont fourni les modèles de Saint-Marc, ces élégans palais qui bordent le Grand-Canal, et dont l’architecture n’est point byzantine,, mais arabe, d’où peuvent-ils venir, si ce n’est d’Alexandrie ?
Ce commerce entre les puissances chrétiennes et le sultan d’Égypte est un grand fait dans l’histoire du moyen-âge. Les croisades avaient rapproché l’Orient et l’Occident par la guerre, le commerce les rapprocha par la paix. Ce fut un second pas vers le même but par une voie contraire. Il y eut bientôt conflit entre ces deux tendances. L’esprit ancien de guerre et d’enthousiasme se trouva en lutte avec les nouveaux besoins d’échange et de bien-être. Peuple et gouvernemens étaient souvent tentés par des profits qu’ils obtenaient au préjudice de la chrétienté. Tantôt des négocians de Gênes se faisaient les pourvoyeurs d’esclaves du sultan d’Égypte, tantôt les rois promettaient de ne pas aider les entreprises des papes, des princes francs et des templiers contre les états musulmans. L’on portait au sultan des armes et des munitions qui pouvaient servir contre les fidèles. Les papes