d’ordre et de paix. Que les amis protestans aient compté parmi eux des gens frivoles et des brouillons, où ne s’en trouve-t-il pas ? Leur murmure n’a cependant point couvert cette voix sérieuse, qui partait de la masse ; la masse était et est encore ce que j’ai dit. La hiérarchie et l’orthodoxie ont d’ailleurs compromis leur cause par la manière dont elles la servent. Tout ce qu’il y a de douceur et de conciliation dans l’ame d’Uhlich ressortit bien davantage, quand on le vit en butte aux attaques les plus indécentes. « C’est un démagogue, écrivait-on dans la Gazette Evangélique de M. Hengstenberg, un tribun adroit, qui sait trouver un auditoire à sa convenance et ressusciter le rationalisme vulgaire sur le seul théâtre où il puisse maintenant déployer son talent, auprès de gens qui, n’ayant qu’une demi-instruction, se plaisent à des moitiés d’idées ; une ménagerie qui n’a plus qu’un singe et un chameau ne doit pas se faire voir dans les villes, mais traîner dans les villages. »
Les villes aussi s’en mêlaient, quoi qu’en eût dit M. Hengstenberg. Le mouvement gagnait toujours, le roi même semblait y avoir cédé ; l’arrêté du 10 juillet 1843 autorisait toutes les espérances ; ce n’était pas seulement parce qu’il ordonnait la réunion des ecclésiastiques en synodes, c’était parce qu’il professait hautement que le salut de l’église devait venir de l’église même, sortir du sein de la communauté, et non pas descendre des régions officielles. On s’est cependant bientôt effrayé de la vivacité avec laquelle de pareilles questions remuaient les esprits ; .on a craint pour le peuple l’habitude de ces assemblées, le contact des passions et des sympathies, l’influence de la parole. On a changé ; rien aujourd’hui n’est si fréquent en Prusse. Tout d’un coup, au mois d’août 1845, les réunions des amis protestans ont été supprimées ; par ordre du cabinet ; on a cru imposer, le silence et l’immobilité de ce côté-là, comme on devait l’imposer aux nouveaux catholiques ; on a empêché les voyages du pasteur Uhlich, comme on allait empêcher ceux de l’abbé Ronge. Celui-ci une fois rejeté dans son obscurité première, le bruit qu’il avait causé s’est éteint, et les dissidens dont il était le chef ont laissé tranquillement les pouvoirs politiques résoudre pour eux la question de droit public soulevée par leur apparition : est-il aujourd’hui possible qu’un sujet allemand perde sa qualité de citoyen pour embrasser un culte non reconnu en 1815 ? Voilà sans doute un grave intérêt en jeu. Il en est un plus grave, et c’est celui-ci : sera-t-il possible que la force, la vertu, la vie morale d’une nation, se conservent sous la tutelle d’un clergé qui ne veut plus accepter les notions d’ordre surnaturel comme élément obligatoire de la foi religieuse ? Tel est, au plus court le débat ouvert par le pasteur Uhlich. Uhlich est maintenant renfermé à Magdebourg, où l’ont appelé les vœux unanimes d’une grande communauté son nom n’est plus si souvent prononcé