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que l’école d’Alexandrie n’est qu’une continuation et un magnifique développement de l’école hippocratique.

Peut-être, en se rappelant que les premiers médecins d’Alexandrie, Hérophile et Érasistrate, passent pour avoir donné l’exemple de disséquer des corps humains, est-il permis de croire que les préparations de l’embaumement ont suggéré l’idée de la dissection ; mais cette influence très douteuse et bien indirecte de l’Égypte serait une influence fortuite et non scientifique. En somme, l’école grecque d’Alexandrie demeure en possession de sa médecine aussi bien que de son astronomie, et plus complètement encore.

La philosophie d’Alexandrie a besoin aussi qu’on lui restitue ses origines purement grecques. Là, plus peut-être que partout ailleurs, s’est manifesté ce que j’appellerai le préjugé égyptien. Si j’ouvre les plus récentes histoires de la philosophie d’Alexandrie, j’y trouve qu’elle dérive des Égyptiens au moins autant que des Grecs[1]. Un auteur estimé[2] pense que les platoniciens d’Alexandrie ont fait de larges emprunts à l’Égypte. Cette opinion est tellement établie, qu’elle se trouve d’elle-même sous la plume des historiens de la philosophie, et pour ainsi dire à leur insu. Le jugement supérieur de M. Cousin lui-même a peine à le défendre contre l’opinion dominante qui voudrait l’entraîner, et à laquelle il résiste. Cependant ce que l’on sait de la philosophie d’Alexandrie, ce que l’on commence à connaître par les monumens des idées religieuses de l’Égypte, n’offre point cette ressemblance que plusieurs auteurs anciens ont imaginé trouver, et que les modernes ont admise sur parole comme un fait démontré. Qu’était-ce, en effet, que l’éclectisme alexandrin ? n’était-ce que la théologie égyptienne, et qu’y a-t-il de commun entre eux ?

L’éclectisme, si attaqué de nos jours, est tout simplement l’application du bon sens à la philosophie. Il faut convenir que l’école d’Alexandrie ne s’est pas tenue à ce sage éclectisme, qui est celui de Socrate. Au lieu de demander à chaque système ce qu’il pouvait renfermer de vrai, elle a voulu les unir tous ou plutôt les absorber dans le platonisme. Elle a opéré une fusion plutôt qu’elle n’a fait un choix. Bien qu’il y ait eu à Alexandrie des péripatéticiens, des stoïciens et même des sceptiques, c’est le platonisme qui a dominé. Ce platonisme n’est pas tout-à-fait celui de Platon, mais il en dérive évidemment. C’est le Platonisme à un autre âge et dans un autre monde, c’est un platonisme nouveau, un néo-platonisme. La philosophie alexandrine est une philosophie néo-grecque si l’on veut ; c’est encore une manière d’être grecque. En présence de l’Égypte et de l’Orient, elle prend des tendances

  1. Simon, Histoire de l’École d’Alexandrie, I, 66.
  2. Sharpe, Egyp. under the Romans, 108.