vaccine et le gouvernement représentatif. M. Bureaud se croit obligé de la suivre dans cette double voie, et ni l’auteur ni le lecteur ne gagnent au singulier mélange qui résulte de ces investigations par trop divergentes On tombe ainsi du récit d’une opération d’oculiste à l’avènement de William Pitt, d’une dissertation sur la mort apparente et l’asphyxie à la guerre d’Amérique et des discours de Burke contre la France à l’exposé des différences qui séparent la chirurgie française de la chirurgie anglaise : les transitions sont par trop difficiles. L’auteur a voulu mettre tant de choses dans son livre, qu’il n’y avait plus moyen de les coudre ensemble ; économie, politique, statistique, histoire, philosophie, pure médecine, tout est entassé au hasard. d’après un semblant d’ordre chronologique. Mieux eût valu l’ordre de l’alphabet pour ranger ces matières incompatibles ; on eût eu de la sorte un Guide du Voyageur assez passable ; encore n’aimerait-on pas beaucoup trouver dans un Guide des vérités de la force de celles-ci, qui pleuvent dans le livre de M. Bureaud, vérités trop vraies : « La nature n’a pas fait les femmes pour gouverner ; étaient-ce les femmes qui donnèrent à Rome l’empire du monde ? » vérités trop byroniennes : « La pauvreté libre est un contre-sens, etc. » J’en passe et des meilleures.
M. Bureaud est pourtant parti d’une idée juste : c’est que la santé publique et individuelle s’améliore en même temps que l’état social ; mais, au lieu de suivre cette amélioration de la santé qui était son fait, il s’est par-dessus tout occupé des destinées générales de l’empire britannique qui n’étaient pas assurément de sa compétence ; puis il a donné beaucoup plus d’attention aux points qui intéressaient uniquement la pratique de son art qu’il n’en a donné aux grandes modifications hygiéniques et morales introduites par le temps et l’expérience dans la ville de Londres. Il en est resté aux banalités déjà connues, et l’on voit trop qu’il n’est point remonté jusqu’aux sources à consulter. Pour faire un tableau de Londres au XVIIIe siècle, il eût fallu interroger les mémoires privées et la littérature courante de l’époque, cette littérature des rues si féconde et si caractéristique en Angleterre ; il eût fallu scruter avec au moins autant de zèle les blue books où les commissaires du parlement ont successivement consigné le résultat de leurs enquêtes sur la situation des classes inférieures. Aussitôt après 1815, lorsque la fin de la guerre européenne eut rétabli la sécurité, ces enquêtes furent poursuivies avec une exactitude précieuse, et l’état de choses qu’elles révélèrent alors datait certainement de loin. Toute la fin du XVIIIe siècle est éclairée par ces recherches bienfaisantes qui ouvrirent le XIXe. M. Bureaud ne s’est douté ni des questions qu’il devait traiter ni des ressources qu’il avait sous la main pour les résoudre. Le livre, qu’il avait essayé est encore à faire. On pourra l’écrire en un meilleur français.
A. T.