Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/729

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recevra l’hommage un peu tardif des Vénitiens. De telles manifestations entretiennent le sentiment national et doivent être encouragées. On doit les approuver surtout lorsqu’elles donnent lieu, comme à Florence ou à Milan, à des publications intéressantes. L’histoire de l’Académie del Cimento, presque improvisée par M. Antinori de Florence, l’Éloge de Cavalieri, publié à Milan par M. Piola sont deux livres remarquables qui méritent d’être répandus en France, et qui seront lus avec profit. Espérons qu’un tel exemple ne sera pas perdu, et que, dans des circonstances analogues, d’autres ouvrages, formés sur ces excellens modèles, pourront voir le jour. Si, comme tout semble actuellement le faire espérer, les savans italiens obtiennent la permission de se réunir à Rome, l’Histoire de l’Académie des Lincei serait à cette occasion une publication remplie d’à-propos. Cette association puissante et peu connue qui, au XVIIe siècle, voulut faire tourner au profit des sciences et de la philosophie l’organisation à laquelle les ordres religieux devaient leur force, cette association persécutée, qui ne cessa jamais de protéger Galilée, et dans laquelle Bacon demanda sans succès à être admis, mérite de devenir l’objet des recherches d’un homme de cœur et de talent.

Le temps est propice en Italie pour les publications historiques. Si nous pouvions franchir les limites qui nous sont imposées par notre sujet, nous donnerions quelques détails sur les Archives historiques publiées à Florence par une société d’hommes distingués, ainsi que sur les Monumenta historiae patriae que le gouvernement piémontais fait paraître à Turin. Ne pouvant pas nous arrêter sur ces deux excellens supplémens à la grande collection de Muratori, nous signalerons du moins à nos lecteurs les Matériaux pour l’histoire de la faculté des sciences dans l’université de Bologne, dont la publication vient d’être entreprise dans cette ville par M. Gherardi, auquel l’institut de Bologne avait déjà confié le soin de diriger l’édition des écrits de Galvani. Ces Œuvres de Galvani, illustre physicien que les découvertes de Volta avaient trop éclipsé, occuperont désormais une place distinguée dans les bibliothèques, et nous ne doutons pas que la nouvelle publication de M. Gherardi n’obtienne un succès notable, surtout s’il se décide à publier en entier les documens intéressans qui sont à sa disposition L’université de Bologne, si célèbre au moyen-âge par ses glossateurs, dont Sarti avait tracé, dans le siècle passé, une savante histoire, que M. de Savigny a développée et popularisée depuis, n’a pas rendu moins de services aux sciences physiques et mathématiques qu’à la jurisprudence, et les noms de Ferro, de Ferrari, de Cataldi et d’Adrovandi méritent certes de rester dans la mémoire des hommes aussi long-temps que ceux d’Irnerius et d’Accurse.

M. Gherardi a retrouvé déjà les actes originaux d’une discussion publique qui eut lieu entre deux grands algébristes du XVIe siècle, Tartaglia et Ferrari, au sujet de la résolution de certains problèmes qui occupaient alors les savans. Nous désirons ardemment que ces documens, ces cartels, comme on les appelait alors, soient reproduits entier par M. Gherardi. On n’assiste pas sans émotion au récit de ces débats auxquels actuellement vingt personnes ne s’intéresseraient pas en Europe. Quelle passion, quelle ardeur dans ces luttes ! Des hérauts portaient les défis et les réponses ; les champions accompagnés de leurs amis se rendaient à l’endroit où la discussion devait avoir lieu au son des fanfares,