avec une entière liberté. Nous croyons pourtant que, dans l’intérêt des compagnies comme dans celui du public, il faut tenir la main à l’exécution stricte des conditions comprises dans le cahier des charges. De notre temps, l’opinion publique est plus forte que les associations les plus considérables, et il ne faudrait pas que le gouvernement fût obligé souvent d’intervenir, comme il a dû récemment le faire pour la ligne de Saint-Etienne à Lyon, afin que des travaux indispensables à la sûreté des voyageurs fussent enfin exécutés.
L’enthousiasme qu’excitent certaines nouveautés ne se transmet pas toujours de siècle en siècle. Qui ne connaît l’histoire de la pomme de terre ? Transportée d’Amérique en Europe peu de temps après la conquête du Nouveau-Monde cultivée en grand en Italie dès le XVIe siècle, cette production était encore, il y a soixante-dix ans, repoussée de France par de vieux préjugés. Le zèle et la persévérance de Parmentier triomphèrent de tous les obstacles, et lorsqu’enfin Louis XVI eut placé à sa boutonnière les fleurs de cette plante solanée, la pomme de terre devint à la mode chez nous. depuis lors la culture s’en est répandue partout, et ce tubercule est devenu un des élémens les plus considérables de la nourriture de plusieurs peuples de l’Europe.
Presque insensible aux intempéries, la pomme de terre était, disait-on depuis long-temps, le plus sûr préservatif contre la disette. On vivait à cet égard dans une sécurité complète, lorsque, l’année dernière, une maladie inconnue ou peu étudiée jusqu’alors, vit frapper en Irlande, en Belgique et dans certaines parties de la France et de l’Allemagne, cette précieuse production. On connaît l’effet produit en Angleterre par cette maladie, sans laquelle probablement M. Cobden et la ligue attendraient encore la révocation des Corn-laws. Les agronomes, les chimistes de tous les pays s’emparèrent de cette question : ils coupèrent, firent bouillir, filtrèrent, examinèrent au microscope des centaines de livres de pommes de terre, et ne purent se mettre d’accord. Pour les uns, c’était là une maladie contagieuse se répandant de proche en proche, et qu’il fallait traiter à la manière des épidémies ; pour les autres, les longs froids et les pluies continuelles avaient été l’unique cause de cette pourriture qui, en 1845, envahit les pommes de terre de tant de pays divers. On pouvait espérer que l’année 1846, si chaude, si sèche, si différente, en un mot, de celle qui l’a précédée, ne verrait pas se reproduire ce fléau. Malheureusement cet espoir a été déçu. La maladie s’est de nouveau présentée. Elle fait des progrès au moment où nous écrivons, et les incertitudes des savans se sont renouvelées sans qu’il ait été possible jusqu’à présent de prononcer d’une manière formelle sur les causes qui ont amené cette calamité. De la discussion qui a eu lieu devant l’Académie des Sciences à ce sujet, il a semblé résulter que la maladie se propageait des fanes aux tubercules, et qu’il y avait avantage à arracher les feuilles flétries avant que la racine fût atteinte, ainsi qu’à enlever les pomme de terre malades et a les isoler de celles qui ne le sont pas. Quant à la question de la contagion, elle paraît offrir encore de grandes difficultés. Ces difficultés peuvent donner une idée de toutes celles qu’on doit rencontrer lorsqu’on veut traiter la question des maladies contagieuses chez les hommes : question si grave, si importante, compliquée de tans d’intérêts divers, et dans laquelle les actions nerveuses et les effets de l’imagination jouent un si grand rôle. Comment les médecins pourraient-ils donner une solution définitive de cette question si complexe, et qui