comme chef, comme drapeau. Cette combinaison, pour aboutir, a besoin du double consentement de M. Guizot et de M. le duc de Broglie. Si M. le ministre des affaires étrangères arrive à se convaincre qu’il n’y a pas d’autre solution possible, il donnera son adhésion à un arrangement qui, tout en le blessant paraît ménager toutes les convenances, puisqu’il y a entre lui et M. le duc de Broglie une amitié politique de plus de trente ans. Ce sera de sa part un dernier sacrifice de la vanité à l’ambition. Le consentement de M. le duc de Broglie est plus douteux. Le noble pair recherche peu la responsabilité directe des affaires ; il a sur le cabinet, notamment sur le département des affaires étrangères, toute l’influence qu’il peut désirer. Pourquoi quitterait-il cette haute et douce situation de spectateur puissant ? Il est vrai qu’en lui offrant la présidence, on l’allége autant que possible en la séparant de tout portefeuille. Néanmoins il faudra faire valoir auprès de M. le duc de Broglie des considérations bien fortes, pour triompher de sa répugnance à reprendre un rôle ministériel, et à rentrer dans les luttes bruyantes de la démocratique assemblée du Palais-Bourbon.
Nous disions, il y a quinze jour qu’il se préparait une complication nouvelle dans cette intrigue matrimoniale à laquelle sont maintenant suspendues les destinées de l’Espagne. Voici les faits qui commencent à se produire tels que nous les avions indiqués. La presse anglaise a ouvert l’attaque, et un article du Times, attribué à quelque collaboration extraordinaire, est venu désagréablement surprendre le cabinet français au lendemain de sa victoire électorale. On lui reprochait d’intervenir en Espagne contre le vœu même de l’Espagne et dans un simple intérêt dynamique ; on lui démontrait que, le prince de Cobourg étant prince français par toutes sortes de raisons, c’était arrogance ou vanité pure de vouloir le repousser, on s’engageait avec une énergie des plus significatives à maintenir l’indépendance de la couronne espagnole, si bravement menacée, disait-on, par cela seul qu’elle reposait sur la tête d’une femme. Il a bien fallu répondre, et nous avons sujet de croire qu’on a essayé tout le possible pour éluder cette nécessité passablement embarrassante ; on a répondu avec de grands airs de mépris pour la forme violente de ces réclamations, avec une parfaite soumission quant au fond des choses. Sans doute ce n’était ni le lieu ni l’occasion de proclamer une candidature française ; mais devait-on si soigneusement s’en tenir au programme même de l’Angleterre, et la France n’a-t-elle pas de droit en Espagne une position propre ? M. Guizot ne s’est-il point officiellement prononcé pour une alliance de famille ? Qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Le ministère anglais déclare qu’il se porte le champion, non point de tel ou tel prétendant, mais de la jeune reine, de sa dignité royale, de la liberté de son choix : il est dans son rôle et joue son jeu ; le ministère français se réduit à répéter textuellement une déclaration formulée contre lui : c’est tout abandonner, à moins qu’il ne compte beaucoup sur ses secrètes influences auprès de la reine Christine, et n’espère regagner sous main ce qu’il sacrifie publiquement. Celle-ci se trouve maintenant dans une situation vraiment fort commode, et elle est femme à tirer bon parti de cette émulation généreuse de deux rivaux tout prêts à se brouiller pour s’empêcher réciproquement de contraindre les inclinations de sa fille. Il serait curieux que ce mariage manquât toujours sous prétexte de se faire le plus librement possible. La comédie n’est pas encore finie.