la discussion. La foi rationnelle manque-t-elle donc ainsi de consistance et de liens positifs ? On peut facilement énumérer les divergences, on peut affecter de grossir les diversités nécessaires qui séparent heureusement toutes les notions conquises par le libre travail des individus ; mais, tant que l’humanité gardera la conscience de son imperfection jointe à l’idée d’une perfection toujours plus grande, il lui restera sûrement un fonds commun pour y asseoir son édifice religieux. Les amis protestans ont bien connu cette loi du présent : autant les rongiens se sont empressés de s’isoler et de se singulariser, autant ceux-ci avaient évité tout ce qui pouvait les constituer à l’état de schismatiques. Les rongiens ont voulu tout de suite faire souche à part, et sans doute, l’église catholique n’admettant pas le même droit d’interprétation que l’église protestante, il était plus gênant d’y demeurer enfermés ; mais les impatiences et les vanités personnelles ont pris trop de place dans l’établissement dissident pour qu’il n’en portât pas la peine. La situation des amis protestans était moins difficile ; ils ont su ne pas la gâter. Vainement les orthodoxes ont essayé de les rejeter hors de la grande communauté évangélique ; ils ont répondu qu’ils n’étaient point une secte, mais l’église elle-même, puisque la majorité des fidèles pensait comme la majorité des pasteurs. On a reproché aux pasteurs de mentir à leur conscience en prononçant, dans l’office divin, des paroles auxquelles, ils ne croyaient pas ; ils ont montré que leur troupeau les acceptait au même sens qu’eux, et s’unissait à eux pour supplier le gouvernement temporel de ne pas imposer davantage un formulaire désormais vide. On les accusait de violer leur serment, en repoussant une confession qu’ils avaient solennellement jurée ; ils renvoyèrent l’accusation aux autorités officielles, qui exigent encore ce serment à l’ordination, du prêtre, sans oser exiger, à l’examen du candidat, une déclaration authentique de sa foi. Le candidat, à l’examen, peut se donner pour rationaliste ; on l’admet comme tel à l’ordination ; là l’autorité publique l’oblige à se dire l’homme du symbole qu’il vient justement de combattre devant elle, cérémonie pure qui ne trompe personne et ne prouve qu’une chose : c’est que l’état voit son intérêt à maintenir l’église dans le culte de la lettre antique, tandis que l’église juge de son devoir d’y substituer l’esprit nouveau. S’il y a là des positions fausses, à qui le tort ? et se prononcer hautement pour rétablir la vérité aux lieu et place des apparences, est-ce sortir de l’église, n’est-ce pas plutôt y rentrer ?
Il était un autre dogmatisme plus dangereux, plus séduisant peut-être que celui de la théologie, c’était le dogmatisme philosophique ; changer une école en église ne valait pas mieux que créer une église de plus. Le grand nombre des amis protestans réussit encore à tourner cet écueil, auquel les attiraient pourtant le voisinage et l’alliance des