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dans le cabinet ministériel et dans certaines régions de l’atmosphère parlementaire je ne sais quelle maligne influence qui peut dénaturer les tempéramens qu’on aurait crus les plus sûrs. Toutefois, si les engagemens contractés, les attitudes prises, les paroles données, ne sont un infaillible indice de la conduite du député, tout cela constitue cependant une présomption qu’il est utile de consulter, ne fût-ce que pour en prendre acte. Or, en relevant avec exactitude, en interprétant avec sincérité tous les symptômes des dernières élections, nous trouvons au sein de la chambre qui va se constituer dans quelques jours une majorité évidente, prononcée, plutôt pour la politique conservatrice que pour le ministère lui-même. Nous ne songeons pas ici à faire une chicane, une malice au cabinet ; nous apprécions la situation telle qu’elle se dessine aujourd’hui. Peut-être changera-t-elle : il est fort possible que l’hiver prochain le cabinet conquière une majorité décidée, compacte, mais cette majorité, il ne l’a pas encore, il l’a si peu,t qu’il se préoccupe des moyens de la former. C’est un travail pour lequel il n’est pas fâché de prendre du temps. Dans trois jours, le roi ouvrira les chambres en personne ; mais son allocution au parlement sera fort courte, et l’on y trouvera l’intention expresse de remettre le débat des affaires au mois de janvier. La majorité conservatrice que les électeurs nous renvoient a du sang nouveau dans les veines ; les membres qu’elle a perdus appartenaient surtout à cette fraction immobile qu’un poète illustre a caractérisée par une similitude restée célèbre ; elle les a remplacés par des hommes moins dévots à l’esprit stationnaire. Le ministère se console de voir la majorité conservatrice se recruter d’hommes indépendans de caractère et de position par l’espoir de les trouver moins avides de places et de faveurs que leurs devanciers. Tant mieux, deux fois tant mieux, car ce désintéressement leur permettra de concentrer toutes leurs exigences sur les besoins généraux de la politique. Plusieurs des conservateurs nouveaux ont protesté contre la qualification de ministériels qu’on s’était trop hâter d’attacher à leur nom : nous leur demanderons, ainsi qu’à ceux de leurs collègues qui, comme eux, débutent dans la vie parlementaire, de persévérer dans cette louable jalousie de leur indépendance, de garder toute leur liberté d’esprit et de jugement jusqu’au moment où ils pourront prononcer en connaissance de cause sur les grands intérêts du pays. Ils sont un élément trop essentiel de la majorité pour ne pas exercer sur elle une notable influence, s’ils savent prendre une attitude de modération et de fermeté tout ensemble. La majorité conservatrice elle-même, pour peu qu’elle soit avertie, aiguillonné, se compromettrait beaucoup, si elle ne répondait pas à la confiance du pays, qui l’a fortifiée aux dépens de tous les autres partis par, d’habiles modifications dans sa politique.

Après la majorité conservatrice, le centre gauche est le parti qui est resté le plus entier. S’il a perdu quelques-uns de ses anciens membres, il a fait d’utiles recrues, et aucun de ses chers, de ses représentans éminens, n’a succombé dans l’épreuve électorale il nous semble que le centre gauche n’a pas à se plaindre du résultat moral des élections, car les échecs subis par les opinions extrêmes sont une sorte d’approbation de sa politique. Il est encore un autre symptôme dont il lui serait permis, ce nous semble, de se faire quelque honneur : nous voulons parler de ce qui se passe au sein de la majorité conservatrice. Cette majorité est troublée dans son homogénéité ; elle a des conservateurs qui se