Bourbon. Qu’en pense M. Berryer ? L’éloquent député de Marseille peut être sans inquiétude sur la concurrence oratoire que lui fera M. de Genoude, mais il ne doit pas être tranquille, quand il songe qu’il devra partager la conduite d’un parti tristement décimé avec un personnage aussi aventureux. M. de Genoude sera, à vrai dire, le premier ecclésiastique qui depuis trente ans, depuis le règne de la charte, aura siégé dans la chambre. En 1819, le département de l’Isère nomma député l’abbé Grégoire, qui n’entra pas au Palais-Bourbon ; la majorité royaliste l’en repoussa. Dans les dernières années de la restauration, l’Auvergne envoya sur les bancs de la chambre l’abbé de Pradt, dont la pétulance ne put se plier au régime parlementaire. M. de Pradt ne voulait changer que dix-huit articles à la charte ; et il se trouvait encore un réformateur très modeste. Après quinze jours d’existence législative, il donna sa démission, plein de dépit et d’aigreur contre une chambre qu’il jugeait incapable de s’associer à ses vues. M. de Genoude nous arrive aussi avec la mission qu’il s’est donnée de faire la leçon à tout le monde, ne doutant de rien, et admirablement propre à compromettre de la manière la plus grave son parti et l’église.
Après avoir sévèrement traité les deux opinions extrêmes de la droite et de la gauche, la France électorale a montré une grande indépendance à l’égard de tous les partis. C’est dans ses propres instincts qu’elle a cherché ses inspirations plutôt que dans les mots d’ordre et les programmes qu’on aurait voulu lui imposer. Le ministère et l’opposition en ont fait l’épreuve. Quand on est venu dire aux électeurs que la stabilité sociale serait compromise et l’anarchie imminente, s’ils ne renvoyaient pas à la chambre certains conservateurs à idées fixes, à préjugés obstinés, on n’a pas réussi ; nous en trouvons la preuve dans beaucoup d’élections, notamment dans la lutte dont le second arrondissement de Paris a été le théâtre. D’un autre côté, les électeurs ont peu tenu compte de maximes et de principes dont l’opposition semblait se promettre un grand effet. On a pu reconnaître que, dans les luttes ardentes de la presse et de la tribune, il peut arriver aux meilleurs esprits de s’exagérer la valeur de certaines idées, de certains argumens : on s’échauffe dans sa propre pensée, on pousse jusqu’au bout une démonstration qu’on croit victorieuse, et cependant le pays reste insensible à cette logique triomphante ; il va chercher ailleurs ses raisons d’agir et de se décider. Une des questions sur lesquelles l’opposition a le plus insister depuis long-temps est celle des incompatibilités ; à plusieurs reprises, elle a traité ce point avec un redoublement d’efforts et de talent. A-t-elle persuadé les électeurs ? Les faits répondent. La législature de 1842 comptait dans son sein cent quatre-vingt-quatre fonctionnaires ; il y en aura près de deux cents dans la nouvelle chambre. Les candidats ont si peu appréhendé que leur qualité de fonctionnaires fût contre eux, dans l’esprit des électeurs, un titre d’exclusion, que plusieurs ont demandé et obtenu de l’avancement dans leur carrière administrative, afin de se présenter au corps électoral avec plus de faveur et d’ascendant. Il ne faut pas s’étonner que beaucoup de bons esprits pensent que, sur ce point, la loi doit venir au secours des mœurs. Les questions politiques qui avaient le plus ému les chambres n’ont pas en général beaucoup agité les collèges électoraux, et n’ont exercé sur les votes qu’une médiocre influence. L’expérience au aussi démontré une fois de plus que, la plupart du temps, toutes la polémique soulevée par les élections générales, tous les petits pamphlets anonymes, toutes les invectives,