bonnes qui germent d’elles-mêmes à ma propre surprise. Il en est ainsi par tout le monde ; je ne trouve point d’homme si méchant qui n’ait quelque bon côté, ni d’homme vertueux qui ne pèche. Je pense donc que l’homme n’est en lui-même ni bon ni méchant, mais qu’il a seulement la capacité d’être l’un ou l’autre, et j’éprouve en même temps la conviction irrésistible que sa destinée, la destinée de l’individu comme de la société, c’est de s’élever toujours plus vers le bien. »
Voilà sans doute une pauvre théologie ; c’est du rationalisme tout pur, c’est la science banale du sens commun ; les adversaires d’Uhlich lui refusent le droit de se dire chrétien, et certes ils n’ont pas tort, si le christianisme est tout entier dans le dogme ; ils le flétrissent du reproche d’incrédulité. « On nous appelle des incrédules, répond-il, parce que nous croyons au Sauveur et non point à l’homme-dieu, à Dieu et non point à la trinité, à notre imperfection et non point au péché originel, au pardon des péchés et non point à la réconciliation par le sang ! Ne veut-on pas ou ne peut-on pas s’apercevoir qu’il y a tout un abîme profond comme le ciel entre la croyance en Dieu et la croyance à la trinité ? Les deux objets sont, il est vrai, également, incompréhensibles, mais, si je ne crois point en Dieu, je suis infidèle à ma raison, qui me pousse par tous les chemins jusqu’à l’être des êtres, et ma raison, au contraire, se révolte si je crois à la trinité, de qui elle m’éloigne par d’innombrables argumens. Que Jésus ait vécu, qu’il ait été une personne unique sur la terre, ma raison me force à le croire, car on le connaît assez aux fruits qu’il a laissés derrière lui ; mais qu’il faille le connaître comme Dieu, toutes les forces de ma raison se soulèvent. N’est-il donc pas bien injuste et bien frivole de vouloir nous dire que, si l’on ne croit pas au Jésus de la vieille orthodoxie, l’on n’a plus du tout de croyance ? » Il est impossible de réclamer avec une plus fière simplicité le droit imprescriptible de la foi naturelle vis-à-vis de la foi révélée, de se reposer avec une plus ferme confiance dans les strictes données de la seule raison. Y a-t-il donc là de quoi remplir l’ame et guider la vie ? La règle rationnelle est-elle une attache qui vaille la règle dogmatique ? Je ne puis m’empêcher de citer encore cette belle page des Bekenntnisse :
« Je me demande souvent : d’où vient qu’au milieu de tous ces troubles mon cœur reste tranquille ? car, si vraiment mes adversaires ont pris pour eux la seule doctrine qui fasse l’homme heureux et saint, tandis que moi j’en suis le contradicteur, comment se peut-il que la paix soit en mon ame ? Et la paix ne m’a cependant point manqué jusqu’à ce jour, Dieu soit loué ! Autant que j’aie encore observé les hommes, je suis plus riche de cette béatitude intérieure que beaucoup d’entre eux. Depuis dix-sept ans je suis père de famille, depuis vingt et un fuis j’ai