lui demander si, par hasard, ils connaissaient le seigneur don Pedro Salazar, que nous venions chercher.
À cette question, faite par Anastasio avec sa placidité habituelle, un des laveurs interrompit son travail, et, tout en mettant entre ses yeux et le soleil une poignée de sable que sa main retirait de la batea, il répondit :
— Je ne saurais vous dire si celui que vous cherchez est encore de ce monde. Dans ce cas, il doit être au bord du torrent que vous voyez descendre de ce peñon.
Et il montrait le ruisseau dont j’ai parlé, et qui tombait à l’extrémité opposée de la vallée. Nous suivîmes la direction indiquée par le laveur. Dans le lit de cet arroyo assez profondément creusé, nous trouvâmes un homme de haute taille. Un cheval sellé et bridé était attaché au tronc d’un arbre. Une épée nue pendait à l’arçon de la selle. Quant à l’homme, il était dans l’eau jusqu’à la ceinture, occupé à entasser des pierres les unes sur les autres.
— C’est lui, me dit Anastasio.
Une reconnaissance cordiale, je dirai même solennelle, eut lieu entre les deux frères, qui ne s’étaient pas vus depuis longues années.
— Tu me vois occupé à détourner le cours de ce torrent, dit Pedro, quand la série de demandes et de réponses d’usage en pareil cas fut complètement épuisée.
— C’est bon signe, répondit son frère ; mais le passé n’est donc rien pour toi, ajouta-t-il, que tu continues toujours ton périlleux métier ?
— Que veux-tu ! reprit Pedro ; chacun suit sa vocation : la mienne est d’être sans cesse aux prises avec le danger d’une profession que je préfère à toute autre, peut-être à cause des dangers qu’elle offre. Ici même nous sommes en pays ennemi, et, tu le vois, ma barreta est à côté de mon épée.
Et il montrait le cheval attaché tout près de lui.
— Comment cela ? dit Anastasio ; la tranquillité la plus profonde me semble régner ici.
— Oui, en apparence, reprit Pedro ; mais en réalité tous m’envient la possession de ce cours d’eau. J’ai mis plus d’une fois déjà le couteau à la main pour défendre mes droits contre mes camarades, et même contre les laveurs de Nacome, qui prétendent que ce ruisseau prend sa source à un endroit de la sierra compris dans la limite de leur exploitation. J’ai imposé silence aux envieux de Bacuache ; mais nous avons eu un engagement avec ceux de Nacome, dans lequel mon associé a été blessé, et nous nous attendons encore à être attaques d’un moment à l’autre : voilà pourquoi nous sommes sur nos gardes.
Malgré cette circonstance fâcheuse, il fallait nous résoudre à