coule à gauche, le rio de los Uris à droite, c’est-à-dire le premier à l’ouest, le second à l’est. Au-delà d’Arispe, dernière ville mexicaine qu’on rencontre de ce côté, l’Uris, grossi par les cours d’eau qui coulent des pitons magnétiques de la sierra, se divise encore en deux branches parallèles, entre lesquelles s’étend une dernière ramification de la chaîne qui va expirer, à vingt-cinq lieues de là, aux deux villages de Nacome et de Bacuache. Ces villages, ainsi appelés du nom des deux branches de l’Uris, et séparés par les montagnes qui terminent la chaîne, se trouvent à cinq lieues l’un de l’autre. Du sommet de ces montagnes, les torrens qui coulent le long de chaque versant apportent de l’or aux laveurs de Nacome, comme à ceux de Bacuache. Sauf quelques pauvres cabanes groupées à une distance égale d’Arispe et de Bacuache, et formant un village qu’on appelle Fronteras, une solitude profonde règne dans tout ce parcours. Au-delà des deux villages se trouve le préside de Tubac, et, à partir de Tubac, d’immenses déserte se prolongent jusqu’à l’Orégon, en bordant les limites occidentales de la Haute-Californie.
— D’ici à Arispe, me dit l’Espagnol après m’avoir tracé mon itinéraire, la route est sûre, ni l’eau ni le feu ne vous manqueront ; cependant d’Arispe à Bacuache, qui est à mon avis le placer aujourd’hui le plus productif, voyagez bien armé. Il y a quelques mois, j’ai fait ce chemin, et j’ai remarqué pour la première fois une croix de triste augure qui rappelle certainement un assassinat. Le lieu, comme vous le verrez, est très bien disposé pour égorger ou détrousser son prochain le plus commodément du monde. A tout hasard, si je n’entendais plus parler de vous, je vous ferais élever une croix à côté de la première.
Je remerciai l’Espagnol de sa bonne volonté, et j’allai faire mes préparatifs de départ en réfléchissant au contraste qu’offrent ces excursions périlleuses avec nos voyages d’Europe, où des paysages déjà décrits et connus, des moyens de transport uniformes, restreignent chaque jour la part de l’imprévu. Au Mexique, j’aurais eu peut-être à me plaindre de l’excès contraire. Que de ruses à employer, dans les provinces où les auberges existent, pour se faire bien venir des hôteliers, pour obtenir un maigre repas, souvent partagé avec des muletiers et des voleurs ! Et quelle diplomatie n’est pas nécessaire pour s’assurer un gîte dans les états où la posada, le meson ou la venta sont inconnus ! Plus loin encore, c’est le despoblado (désert) qui s’étend devant vous sans offrir le moindre vestige d’habitation, pas même, comme dans nos landes, la hutte roulante du berger. Cependant, malgré ces privations, de tels voyages offrent un attrait irrésistible. Les magnifiques paysages qu’on traverse, les haltes dans la forêt autour de l’arbre séculaire converti avec une prodigalité royale en brasier gigantesque, les hommes qu’on rencontre, représentans d’une société presque inconnue, héros