mots de sa vie, jette un grand jour sur ce progrès caché des opinions ; c’est encore de l’histoire générale dans un individu. « Mes parens étaient des gens pieux, et ma pensée fut dirigée de très bonne heure vers les choses de la religion. La notion libérale du christianisme qui m’avait été donnée, soit à l’école, soit à l’université, me semblait la bonne ; par la suite, j’appris à discerner que le vieil enseignement avait aussi bien des points considérables. J’examinai, j’examinai toujours ; mais je m’affermis d’autant plus dans mes convictions, que j’aperçus comment la force de vie du système ancien s’unissait également avec le christianisme rationnel, et le pouvait pénétrer. Il était en effet très naturel que la libre intelligence, dont l’essor commençait dans l’autre siècle, se montrât d’abord plus disposée pour la critique et la négation, par conséquent aride et froide ; mais rien n’empêchait qu’elle ne s’échauffât insensiblement, et je crus que c’était la mission de notre temps de mêler à ce qu’on appelle le rationalisme tout ce qu’il y a d’intérieur (innigkeit) dans ce qu’on appelle le piétisme. Aussi ai-je passé bien des années pour un piétiste auprès des gens qui ne me connaissaient pas. C’est alors qu’il arriva, voici maintenant plus de trois ans, qu’un ecclésiastique de Magdebourg fut menacé de destitution pour s’être publiquement prononcé contre l’adoration de Jésus. Cela m’émut beaucoup. En est-il ainsi ? pensai-je. Il faut donc que les pasteurs qui veulent croire librement se rassemblent, soit pour ne pas être seuls quand ils auront besoin de conseils dans les positions difficiles, soit pour s’entendre sur le développement et la constitution du christianisme. »
Il ne s’agissait point là de conspirer en règle, de fonder une association qui eût des statuts et donnât des signatures, de s’engager à la découverte d’une église nouvelle. Il s’agissait uniquement, comme l’avait écrit M. Uhlich à ses collègues, « de se tenir plusieurs par la main pour éviter les faux pas et marcher avec une ame plus sereine ; » il s’agissait de conserver le principe même du protestantisme, le droit d’examen et d’interprétation, « de repousser toutes les puissances ennemies de la libre éducation du genre humain, de continuer en toute indépendance à édifier le royaume de Dieu. » - « Le monde, me dit-on, n’a plus à présent de Luther, et je n’en suis pas un ! Oh ! c’est très bien parlé, continue M. Uhlich, non, le monde protestant n’a plus besoin d’un Luther, car il possède son trésor, il le connaît et l’apprécie ; il ne se laissera point ravir son bien par quelques hommes égarés. Qu’est-ce que l’église évangélique ? Ce n’est point une maison de pierre où les fils doivent se contenter de la place que leurs ancêtres leur ont faite ; c’est là l’église du pape. L’église du Christ est la communauté des hommes aujourd’hui vivans qui invoquent Jésus pour leur maître, et gardent leur cœur grand ouvert aux instructions de l’esprit qu’il a promis. Tel enseignement qu’on