sont les produits nationaux qui feraient l’objet de cette exportation croissante, nous pourrions nous contenter de répondre : Ceux-là mêmes que l’étranger trouve aujourd’hui trop chers pour son usage, puisqu’ils auraient tous subi une baisse de prix proportionnée à la rareté du numéraire.
Qu’on ne pense pas d’ailleurs que le phénomène dont nous parlons ici soit imaginaire ou simplement hypothétique ; il se manifeste au contraire assez souvent, bien qu’il soit en général produit par d’autres causes. Il n’est pas rare que dans un pays quelconque la pénurie de numéraire se fasse sentir, soit que la somme en ait en réalité diminué par un surcroît inusité d’exportation, soit encore, ce qui est beaucoup plus ordinaire, que par suite d’une crise financière un plus grand besoin se manifeste. Eh bien ! quelle que soit la cause de cette pénurie, le résultat ne s’en fait pas attendre ; toutes les marchandises, suivait en cela le sort des valeurs qui ont cours à la bourse, baissent de prix, et cette baisse provoque avec non moins de certitude un surcroît immédiat d’exportation. Nous en avons montré récemment un remarquable exemple, en présentant ici même[1] le tableau de notre commerce extérieur depuis quinze ans, et l’Angleterre nous en offre d’autres non moins frappans, toutes les fois que le déficit de ses récoltes provoque chez elle une importation inusitée de céréales.
Nous ne voulons pas dire pour cela que, dans le cas où la France adopterait le régime du libre échange, c’est par l’effet d’un exhaussement de la valeur du numéraire qu’elle se trouverait à même d’échanger ses produits avec l’étranger. Il y a, Dieu merci, d’autres voies plus simples par lesquelles cette condition se réaliserait. Nous disons seulement que les fluctuations possibles dans la valeur du numéraire suffiraient, à défaut même de toute autre cause, pour déterminer des ventes au dehors à la suite des achats, et maintenir par conséquent l’équilibre entre les importations et les exportations.
Ce qui est sûr, c’est que cet équilibre est, dans les échanges de peuple à peuple, une loi commune à laquelle nul n’échappe, et contre laquelle ni la supériorité acquise en industrie ni les lois de douanes ne peuvent rien. Tous les faits confirment cette donnée. N’est-il pas remarquable, par exemple, que le pays de l’Europe qui semblerait, d’après la théorie que nous combattons, avoir dû attirer à lui la plus large part du numéraire circulant, puisque son industrie domine de plus loin toutes les autres, nous voulons parler de l’Angleterre, est précisément celui qui en possède le moins ? Pourquoi cela ? Uniquement parce que sa circulation, servie par les billets de banque, n’en exige pas davantage, tant il est vrai que ce sont les besoins intérieurs qui déterminent la quantité de numéraire dans un pays, et que les conditions du commerce extérieur
- ↑ Du commerce extérieur de la France - Revue des Deux Mondes, livraison du 15 mars 1846.