Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/628

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

destructeur de la richesse publique, en d’autres termes contraire aux intérêts qu’il prétend servir.


II.

Avant d’entrer dans l’examen de ce sujet, nous voudrions pouvoir déterminer d’une manière assez exacte le poids des charges que le système restrictif impose à la France par l’exhaussement qu’il cause, sans aucun profit pour le trésor public, dans la valeur vénale des produits. On jugerait mieux par là de la gravité du débat, qui nous occupe. Un semblable calcul a été fait en Angleterre dans cette solennelle enquête de 1840, qu’on peut considérer, sans faire tort en rien d’ailleurs aux travaux si méritans de la ligue, comme le point de départ des réformes entreprises et exécutées par sir Robert Peel depuis quatre ans. Un homme distingué, membre du board of trade, M. Deacon Hume, établissait que les seules restrictions mises à l’importation des céréales et de la viande imposaient au pays une dépense additionnelle de 900 millions de francs. En y ajoutant les charges résultant d’autres restrictions du même genre, par exemple la surtaxe établie sur les sucres étrangers, il arrivait à une somme de plus d’un milliard et demi, dont le pays, lui paraissait annuellement frustré, sans compter, disait-il, la contrainte qu’il subit dans le développement de son commerce, contrainte don l’effet, bien que moins accessible au calcul, est encore plus pernicieux. Un autre membre non moins distingué du même bureau, M Mac-Gregor, estimait que la somme de toutes ces charges artificielles excédait de beaucoup, sinon du double, le montant de l’impôt perçu par le trésor public. Ces calculs étaient d’ailleurs confirmés par le témoignage de M. Richardson Porter, chef du bureau de statistique, et par celui de M. John Bowring, qui a plusieurs fois représenté au dehors, comme agent commercial, le gouvernement anglais. En faisant un relevé semblable pour la France, nous croyons qu’on arriverait à des chiffres pour le moins égaux, peut-être même plus forts ; mais le calcul en serait plus long et plus difficile à faire, parce que ces taxes indirectes, nous ne saurions leur donner un autre nom, se répartissent en France sur un bien plus grand nombre d’objets. La plus lourde peut-être, la plus fatale surtout, est celle qui dérive du prix artificiellement élevé du fer, de la fonte et de l’acier, taxe qui ne s’élève pas actuellement, suivant un calcul modéré, à moins de 130 millions par an, si l’on tient compte d’un côté de l’aggravation de prix que le pays supporte sur la fonte, le fer et l’acier qu’il consomme, et de l’autre, du dommage qu’il éprouve dans tant de circonstances où il se prive de ces matières à cause de leur cherté. Combien d’autres du même genre, qui ressortent des restrictions mises à l’importation des produits agricoles, des produits des mines, des denrées coloniales, et même des articles manufacturés !