de vue des particuliers ; c’est le simple exercice d’un droit, droit de l’échange, droit du travail, le plus inviolable, le plus sacré de tous les droits, puisqu’il touche à notre existence. Quand même la science ne montrerait pas que l’usage régulier de ce droit précieux est la source la plus féconde du bien-être de chacun et de la prospérité de tous, la conscience humaine protesterait encore en sa faveur.
Si la liberté du commerce n’est pas un système, c’est du moins au nom d’un système, au nom d’une véritable utopie qu’on la viole. On dit aux hommes : Vous avez le droit, sans nul doute, d’employer selon vos convenances le fruit de vos labeurs, d’acheter par conséquent au plus bas prix possible les objets que vos besoins réclament. Toutefois telles marchandises utiles ou nécessaires que vous trouviez à bon marché hors du pays, nous vous forcerons à les payer plus cher au dedans. Quelquefois aussi, quoique plus rarement, nous vous défendrons de vendre le produit de votre travail à l’étranger, alors même que vous ne trouveriez pas aussi facilement ni aux mêmes conditions des acheteurs dans le pays. Par là nous vous causerons sans nul doute un double dommage. Nous restreignons en vous l’exercice d’un droit naturel, c’est vrai, droit innocent ; nous vous privons d’un avantage actuel, évident, palpable, mais c’est pour votre bien. Soyez tranquilles : en échange des avantages si clairs que nous vous faisons perdre, nous vous en assurons d’autres plus précieux. Que ces autres avantages ne soient peut-être pas aussi visibles, qu’importe ? ils n’en sont pas moins sûrs. Si vous ne les voyez pas, nous les voyons pour vous, et c’est assez.
Outre l’arbitraire d’une telle conduite sur un sujet si grave, qui ne voit ici l’esprit de système se faisant fort contre le droit ? C’est une utopie qui s’impose ; c’est un mieux imaginaire qui se substitue d’autorité à un bien présent. Aussi, quand il n’y aurait pas quelque chose de paradoxal à prétendre qu’on trouvera son avantage à payer plus cher ce que l’on consomme, on devrait encore trembler à la seule idée de ces violentes substitutions. On peut demander aussi jusqu’à quel point ce renversement de l’ordre naturel est légitime. Un pouvoir public peut-il, même avec l’autorité de la loi, mettre sa volonté arbitraire à la place des volontés inoffensives de ceux qu’il gouverne ? Peut-il, sous prétexte d’un plus grand bien qu’il imagine, étouffer en eux l’exercice d’un droit inné ? N’excède-t-il pas les bornes de son autorité légitime lorsqu’il prescrit à tous les hommes l’usage qu’ils doivent faire du fruit de leur travail, ou le mode qu’ils doivent suivre pour se procurer leur subsistance, surtout quand le mode qu’il prescrit est onéreux ? Question grave que l’on résoudra diversement, selon, la manière dont on concevra le rôle ou les attributions du pouvoir ; on comprendra toutefois que, pour être justifiées aux yeux de la raison, de telles entreprises devraient procéder