guet-à-pens. Au XVIIIe siècle, Camille Gonzague faillit être tué par les sicaires de sa femme ; on attribuait à un Gonzagues, marquis de Castiglione, le projet d’empoisonner ses sujets pour régénérer la population ; il fut tué en allant à la messe. Bien que plusieurs branches de cette famille se soient éteintes, il reste encore des Gonzagues en très grand nombre. En compensation des droits qu’ils ont perdus ; ils jouissent des bonnes graces de l’Autriche. L’histoire des Gonzagues se reproduit à Modène, à Parme, dans presque toutes les anciennes familles, avec des variantes plus ou moins scandaleuses.
On vient de voir quelle fut la restauration, du droit européen en Italie ; ce fut la décadence, l’anéantissement de la diplomatie italienne, des forces militaires et des forces politiques. La dernière conséquence de cette restauration éclata en 1789. Menacée par la révolution française, l’Italie aristocratique se prosterna devant ses deux divinités, le pape et l’empereur ; elle rendit même à l’église les privilèges qu’elle lui avait enlevés, elle consomma en un mot l’alliance pleine et entière du moyen-âge. Le principe démocratique pesait à la fois sur l’autorité religieuse et sur l’autorité politique, et les noblesses de toutes les origines, guelfe, gibeline espagnole, longobarde, angevine, ecclésiastique, républicaine, même la noblesse de Venise, cette fille de la renaissance, ne formèrent plus qu’un seul corps solidaire et compacte, dévoué à l’église et à l’empire. Nous avons déjà montré[1] quelle fut l’arme du libéralisme italien, comment, au milieu d’une société hostile, armée d’inquisiteurs, la révolution prit le masque de la conspiration, comment la conspiration, cette arme des vieux temps, peupla les villes de démocrates qui considéraient l’ancien droit comme une injure. L’Italie aristocratique riposta avec l’arme de l’inquisition ; elle s’allia aux brigands comme à l’époque de Masaniello, et régna par la terreur comme aux jours de Côme de Médicis. Jusque-là elle triomphait, car le sentiment de l’ancien droit était dans les peuples. Attaquée par la France et tirée de son sommeil religieux, elle s’aperçut qu’elle n’avait plus pour auxiliaires que les populations ignorantes, incapables de résister à l’élan des idées : elle se jeta dans les bras de l’empereur. Quant à la démocratie, divisée dans chaque ville, ne pouvant trouver en elle-même l’unité d’une dictature ou la force d’une armée, elle se trouva sans réserve à la merci de la France. La révolution en Italie fut donc la lutte de la France et de l’Autriche, de même qu’au XVIe siècle la restauration italienne avait été la lutte de Charles V et de François Ier. La démocratie doit à la France l’anéantissement des grandes familles, l’unité des lois réalisée partout d’un seul coup pour la première fois dans la péninsule ; elle lui doit l’idée
- ↑ Voyez, dans la livraison du 1er janvier 1845, la Révolution et les Révolutionnaires en Italie.