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arrêts de mort ; lors de la reddition de Sienne, sur quarante-deux mille habitans, trente-six mille émigrèrent plutôt que d’accepter sa domination. Il tua de sa main un de ses fils naturels ; ses sicaires parcouraient l’Europe. La fabrication des poisons qu’il envoyait à ses ambassadeurs était pour Côme l’objet d’une sollicitude particulière. François, son successeur, ne fit exécuter que quarante-deux conspirateurs : il épousa Bianca Capello, qui l’entraînait au tombeau en essayant d’empoisonner son beau-frère, le cardinal Ferdinand. Garcia, fils naturel de Côme, fut tué par son père ; un autre fil naturel, Ferdinand, fut tué par Garcia à la chasse ; Isabelle Orsini, fille et maîtresse de Côme, fut étranglée par son mari ; en même temps un autre fils de Côme, Pierre de Médicis, poignardait sa femme Eléonore de Tolède et se jetait au pied d’un crucifix encore baigné de sang pour faire vœu de célibat. A Madrid, cet étrange célibataire vivait entouré de mignons et donnait l’exemple des plus honteux désordres. Il mourut endetté, léguant son corps et des sommes imaginaires aux révérends pères de l’ordre de Jésus Les révérends pères, piqués au vif par cette mystification, refusèrent le cadavre. Un autre fils naturel de Côme, Jean de Médicis, libertin de bas étage, épousa une fille publique dont il fit emprisonner le mari et annuler le mariage. Le couple heureux et béni vivait à Venise. A la mort de Jean, la cour de Florence fit mille promesses à la veuve, l’attira en Toscane, l’arrêta, et la malheureuse finit ses jours dans un couvent, accusée de sorcellerie par son fils. La dynastie des Médicis arrive ainsi, à travers les crimes et les excès de toute sorte, à travers les tristes règnes de François, de Côme II, de Ferdinand II, de Côme III, à son dernier représentant, Glangastone, prince insouciant et voluptueux, dont la vie se passe entre des favoris et des courtisanes. Avec lui, la branche des Médicis, qui avait donné à l’Italie un dernier condottiere et Côme à Florence, descend au tombeau.

Nous avons dit qu’avec les Médicis, les Gonzagues représentaient fidèlement les mœurs de la décadence italienne. Il y avait, au XVIIe et au XVIIIe siècle, des Gonzagnes à Mantoue, à Guastalla, à Novellara, à Castiglione. On compte parmi eux des libertins magnifiques, des chasseurs effrénés et des empoisonneurs. Partout ce furent les mêmes exemples de débauche et d’insouciance. Vincent Gonzague, né en 1562, duc de Mantoue, vendait tout, places et fiefs ; entraîné par la vanité, il contractait une alliance où il perdait la moitié du Montferrat. Les successeurs de Vincent continuèrent la vie joyeuse des Gonzagues sur le trône ducal de Mantone, si bien qu’un dernier duc, vrai prodige d’ignorance, d’inaptitude et de lâcheté, se trouva dépossédé sans savoir pourquoi. On trouve chez les Gonzagues de Guastalla de sombres tragédies, un prince qui passe quatorze ans dans un cachot, des femmes qui poignardent des ministres à la manière des Médicis. A Novellara, ce sont encore d’atroces