triomphe des influences locales rajeunit toutes ces caricatures, et par un nouvel élan les masques conquirent l’Italie. Arlequin et Brighella, désormais libres, furent heureux et fiers de marcher à la suite des rois de Castille et d’Aragon ; ils entrèrent de plain-pied dans le drame espagnol ils adressèrent la parole à la statue du commandeur. Cette fois, la mascarade des anciens arts et métiers triompha de la littérature italienne, et fit le tour de l’Europe[1].
L’anéantissement de la diplomatie seigneuriale avait été le premier résultat de la restauration de l’église et de l’empire ; l’impulsion nouvelle donnée à la politique intérieure des princes fut le second. Une fois arraché à ce milieu d’intrigues et de complots qu’avait créé la renaissance, que pouvait faire le prince italien, disciple de Machiavel ? Il ne lui restait qu’à être le maître chez lui. Richelieu au petit pied, il s’efforça d’attirer la noblesse à la cour, comme jadis les républiques l’avaient fixé à la ville. Ce travail de centralisation s’accomplit avec un hideux mélange de perfidie et de violence : il fut horrible à la cour des Farnesi. Ranuce II, en 1611, fit tout à coup saisir, juger, torturer les familles les plus influentes, les livra au bourreau, et confisqua tous les fiefs qu’il avait marchandés ou convoités. A Rome, l’œuvre de la centralisation fut tantôt contrecarrée et tantôt favorisée par les papes. D’un côté, le népotisme des Riario, des Borgia, des Farnesi, amoindri, réduit à une tyrannie vulgaire, élevait les familles des Caraffa, des Borthesi, des Buoncompagni, des Barberini, des Odescalchi, des Chigi, des Rospigliosi, des Albani, des Altieri, des Corsini, etc. D’un autre côté, avec les progrès de l’église, les grandes familles perdaient les alliances royales et les ressources du moyen-âge. Les Colonna eux-mêmes acceptèrent la restauration ; ils devinrent les plus fidèles appuis de l’église, et ils conservèrent ainsi jusqu’en 1797 cent vingt fiefs et cent trente mille sujets dans la Basse-Italie. A défaut de forte politique, les papes se servirent de l’ascendant religieux pour dompter les grandes familles ; les derniers héros de l’indépendance féodale furent traînés devant les tribunaux de Rome et saintement décapités après la bénédiction pontificale. On sait qu’au XVIe siècle deux cardinaux surprenaient Ancône et la livraient au saint-siège en y massacrant les nobles. Le cardinal Alberoni renouvela au XVIe siècle la même tentative sur San-Marino, qui échappa par miracle. Bologne au contraire succomba. Ville libre de l’église, avec ses troupes, ses douanes, sa comptabilité, un sénat, une dette publique et un ambassadeur à Rome, au reste fort désœuvré, elle fondait son indépendance séculaire sur les traités de 1278 et de 1447. Sous Pie VI, en 1780, le cardinal Buoncompagni, issu du népotisme de Grégoire XIII,
- ↑ Voyez, dans les livraisons des 1er juin 1839 et 15 février 1840, de la Poésie populaire en Italie.