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simple du droit européen par les deux autorités qui avaient légitimé, de gré ou de force, toutes les usurpations des républiques et des seigneurs. . Le droit de l’église et le droit de l’empire envahirent tout, entraînèrent les villes et les peuples ; Florence et Milan n’eurent plus de mission. Ces princes, ces familles, ces villes qui s’entr’égorgaient dans le sentiment de leur égalité, n’eurent pas de force devant une invasion naturalisée d’avance par l’ancien pacte du moyen-âge. Il est vrai que, si l’on ne se battit pas, on conspira ; mais quelle fut la pensée de ces conspirations ? Chasser l’étranger par l’étranger, en d’autres termes chasser les franco-guelfes et les hispano-impériaux les uns par les autres, ce qui revenait à chasser le pape par l’empereur, et l’empereur par le pape. Telle fut la dernière équivoque de la renaissance. Le pape et l’empereur cessèrent de se combattre en présence de la réformation, le pacte du moyen-âge fut renouvelé, et les conspirations se trouvèrent déjouées ou étouffées. Pour la seconde fois la papauté et l’empire partagèrent l’Italie. Les papes, enclavés dans les possessions espagnoles, perdirent le droit de couronner l’empereur et l’alliance des républiques guelfes, à Naples, ils trouvèrent dans le roi d’Espagne un vassal redoutable. Par compensation, ils restaient à la tête de toutes les conspirations catholiques contre la réformation, et le seigneur de Rome régna dans ses états avec une sécurité jusqu’alors inconnue. Il s’empara de toutes les terres que lui disputaient les anciennes familles, il enleva Ferrare, prit Urbin, disposa des fiefs échappés à l’empire. D’ailleurs, le parti guelfe s’appela le parti français, et les maisons guelfes, comme la famille d’Este, ou devenues guelfes à l’heure de la décadence, comme les Pico della Mirandola, se rallièrent autour du saint-siège. L’influence gibeline, qui s’appela de nouveau impériale comme aux anciens temps, se développa par l’Espagne, qui entraînait à sa suite la cour de Vienne. Féodale par essence, elle paralysa l’industrie des villes lombardes et napolitaines, elle releva l’aristocratie humiliée par les rois de Naples et les seigneurs de Milan. Bref, au XVIIe siècle, les vingt-neuf états de l’Italie étaient presque tous les fiefs de l’église et de l’empire, la cour de Madrid et la diète germanique exercèrent réellement une autorité qui n’avait été que nominale au temps de la renaissance. Quand l’Autriche, en 1707, remplaça l’Espagne à Naples et à Milan, l’influence de l’empire fut doublée. Le parti français se trouva brisé, livré à l’Autriche, la famille d’Este elle-même devint impériale, les Pico, les Gonzagues, adhérens du parti français, furent dépossédés comme rebelles par la diète germanique. Les familles régnantes se demandaient si on allait revenir au régime de Frédéric Barberousse. Dans la suite, à l’extinction des Médicis, la maison de Lorraine établissait en Toscane l’influence autrichienne ; la famille d’Este devait se continuer