La conséquence à laquelle nous arrivons, c’est que la théocratie de Rome s’est trouvée en opposition avec les droits de l’empire par suite d’un contrat signé au commencement du moyen-âge. Les papes, ne pouvant concilier en eux-même le caractère du seigneur avec celui du pontife, échouèrent dans leur lutte contre l’empire. D’un autre côté, le droit anti-national de l’empereur fut impuissante à régir la péninsule. Cette lutte des deux forces également stériles opposa famille à famille, ville à ville ; Florence appuyée sur les papes, se trouve opposée à Milan, appuyée sur les empereurs, de sorte que la religion se tourna contre le droit, puis la liberté contre l’indépendance, tandis que dans le duel des princes et des républiques les condottieri séparaient les forces militaires de toutes les forces politiques. Ajoutons que la littérature italienne se trouva à son tour en contradiction avec les tendances de l’Italie. Tandis que la lutte des familles et des cités multipliait les différences et les contrastes sur le sol de la péninsule, tandis que le génie italien, se cherchant toujours et ne se fixant jamais, s’éparpillait pour ainsi dire en mille créations qui se détruisaient les unes par les autres, la littérature, forcément une et indivisible, était poussé par ses divines inspirations à chercher un droit qui sanctifiât le triomphe d’un parti. c’était une route contraire à celle qui suivant l’Italie. Aussi Dante, gibelin, plaça-t-il en enfer ses propres héros, et la poésie, depuis Dante, poursuivit-elle de ses invectives cette Italie dont l’anarchie n’avait pas de nom dans la langue des poètes. Plus tard, animée par les inspirations de la renaissance, détestant l’empire et les papes, la littérature se réfugia dans les sereines régions de l’antiquité ; elle exila de ses poèmes les Visconti et les Médicis, Venise et Florence, comme des illustrations sans prestige. Machiavel, l’homme positif, à la fois Florentin et Italien, cherchant une issue à sa propre pensée, se trouvait frappé d’une profonde incertitude. Après avoir fait abstraction de la religion et de l’empire, après avoir conçu une double politique à l’usage des seigneuries et des républiques, il présentait l’indépendance et la liberté de l’Italie comme les deux termes d’une contradiction sans espoir. C’était la renaissance qui se jugeait.
On attribue la chute de l’Italie à l’invasion étrangère : je crois peu aux conquêtes qui se réalisent sans coup férir. Milan et Naples ne se sont pas défendues, on peut dire qu’elles se sont bornées à assister à la lutte de la France et de l’empereur en Italie. La Toscane résista bien plus aux Médicis qu’à Charles-Quint ; elle resta indépendante, et partout ailleurs l’état de l’Italie ne fut point changé. L’Italie n’a donc été vaincue que par une idée. Cette idée fut une restauration pure et