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les Torriani à l’émeute contre l’empereur, et l’empereur à la vengeance contre les Torriani ; en définitive, la colère impériale tomba sur la famille guelfe, qui fut expulsée pour toujours. Les Visconti grandirent dès-lors rapidement : Plaisance, Tortone, Parme, Verceil, Crémone, Alexandrie, furent soumis en dis ans par Mathieu. Le successeur de Mathieu, Galéas, persécuta les guelfes, et fut toutefois trahi par Louis de Bavière, qui le supplanta et l’exila après l’avoir jeté dans ces mêmes cachots où il entassait sans pitié les guelfes. Les Visconti rachetèrent bientôt Milan, de Louis de Bavière, à beaux deniers comptais, et la dynastie gibeline reprit son essor avec Luchino et Jean, oncles et alliés de Azzo Novello. Luchino combattit Béllinzona, Como, Asti, Bobbio, Pise, Parme, Tortone, Cherasco, Alexandrie, la famille de Savoie, celle de Monferrat, celle des Gonzagues, la république de Gênes. Il mourut empoisonné par sa femme, une Fieschi de Gênes (1349). Jean poursuivit le combat commencé par Luchino. Liés avec les Ordelaffi, les Pollenta et les Malatesta, les Visconti conspiraient contre la république guelfe de Florence, contre le pape : ils achetaient Bologne des Pepoli, ils prenaient Gênes en 1353 ; en 1351, par la diète gibeline de Milan, ils avaient organisé la conspiration générale de toutes les familles impériales contre l’église. Les Visconti se substituaient ainsi aux empereurs ; Charles IV de passage, en 1355, à Milan, était gardé à vue, presque prisonnier : la dynastie gibeline s’élevait à l’indépendance. Elle fit sentir sa force par de terribles violences sous les trois frères Mathieu II, Galéas II et Bernabos. À cette époque, le parti guelfe, sous l’influence d’Albornoz, se relevait dans l’Italie centrale, les Visconti venaient de perdre quelques provinces et les conspirations se multipliaient en Lombardie. Ce fut alors que, par une loi, les Visconti menacèrent d’arracher la langue à ceux qui prononceraient les mots de guelfes et de gibelins. Mathieu épouvanta les conspirateurs par le carême, supplice atroce qui durait quarante jours avant d’amener la mort. Ce tyran mourut empoisonné. Son successeur, Bernabos, répandit l’épouvante dans la moitié de l’Italie : il se disait seul pape et seul empereur vis-à-vis de ses sujets. Quand il passait dans la rue, les ecclésiastiques devaient se mettre à genoux. Rome l’excommunia, et deux cardinaux vinrent lui porter la sentence pontificale ; il les arrêta sur un pont, et leur laissa le choix de manger la bulle ou de boire l’eau du fleuve : les cardinaux durent se résoudre à manger la bulle. Deux croisades furent prêchées contre Bernabos ; il résista à Florence et à Rome ; il acheta Reggio. Cet homme cruel, père de vingt-cinq enfans, avait un neveu d’une dévotion excessive et timide en apparence jusqu’au ridicule, qui passait sa vie à chanter vêpres et complies avec les chanoines de la cathédrale de Pavie : c’était Jean Galéas, élevé dans la crainte de Dieu et de son oncle. Un jour, Jean Galéas demande à son oncle la permission de passer par Milan pour