ajouta Brescia, Parme, Lucques ; il y avait à sa cour vingt-trois princes dépossédés, ses revenus égalaient ceux des plus riches souverains d’Europe. Il songea à son tour à la royauté italienne ; des rébellions firent avorter ses projets et changèrent son ambition en désespoir. La pensée d’Ecelino fut encore poursuivie en Toscane par Castruccio Castracani, simple aventurier, puis seigneur de Lucques et de Pise, maître de trois cents châteaux, lieutenant de Louis de Bavière et chef de tout le parti gibelin. Les Quarantagli de Lucques, d’abord alliés de Castruccio Castracani, avaient essayé ensuite de lui résister ; ils furent tous ensevelis vivans au nombre de vingt-un. Ce type terrible d’Ecelino se reproduit sans cesse ; on le retrouve à Florence, à Ferrare, à Pise, à Milan, à Rome, à Naples, et jamais son œuvre ne dure, rien ne reste, personne ne brise le pacte du moyen-âge, la rébellion ne va jamais jusqu’à la révolution ; la papauté et l’empire, malgré leur impuissance, restent toujours les dieux vengeurs de l’Italie.
Telle fat la seigneurie italienne, vrai compromis entre le triple droit du pape, de l’empereur et de la commune, compromis équivoque où le pacte du moyen-âge était violé au nom de la commune, tandis que les privilèges de la commune étaient violés au nom du pacte du moyen-âge. L’équivoque fut le caractère des seigneurs : tantôt expulsés par la ville, tantôt au ban de l’empire ou de l’église, ils ne s’élevaient qu’en se transportant à propos d’un camp à l’autre, ils ne grandissaient qu’à la condition de trahir, ils ne gardaient les conquêtes qu’à la condition de tuer. Après s’être joués de l’empire, de l’église et des communes, ces petits despotes étaient si bien jugés, qu’en Italie le roi de Naples seul était appelé seigneur naturel, par opposition aux autres princes, dont l’origine était tout artificielle. C’est à prix d’argent qu’on acheta les républiques comme Pise et Bologne ; c’est à prix d’argent qu’on acheta les armées ; c’est encore avec de l’argent qu’on acheta la légitimité : l’histoire des papes et des empereurs en fait foi. Les princes italiens étaient salués au XVIe siècle, par le cri national : Viva chi vince ! Le peuple respecta la force par intérêt, et ce fut en définitive une seule religion, celle du succès, qui sacra les princes. Quand les Borgia parurent, Machiavel put prendre la plume et dédier ses livres à un pape. La religion du succès avait trouvé en même temps son pontife et son apôtre. On a comparé les crimes des princes italiens à ceux de Louis XI : l’erreur est grossière. Louis XI, sombre, faux, impitoyable, était le roi, sa perfidie était au service d’un droit, son égoïsme interprétait une tradition. Quel était le droit des Médicis et des Sforza ? La France n’avait pas été matériellement partagée par la dualité du pape et de l’empereur ; son aristocratie n’avait pas été conquise par les villes. Sans doute les villes de France eurent leurs luttes à soutenir contre l’aristocratie ; mais malgré ses divisions, la Franceo avait été plus forte que les Français ; l’Italie, au contraire,