quelquefois le maître de ses maîtres, c’était là un véritable seigneur nomade. Le condottiere régnait sur une armée, il la transmettait à ses fils ; nul type ne représente mieux cette féodalité industrielle et guerrière ne représente mieux cette féodalité industrielle et guerrière arrachée au sol par la commune et les seigneurs, désormais ni guelfe ni gibeline, prête à servir le premier venu qui lui donnera un asile. Appelés à défendre des seigneurs désarmés, des républiques qui ne pouvaient pas combattre elles-mêmes, les condottieri promenèrent dans toute l’Italie des forces sans loi, sans droit, sans patrie. Le duc d’Urslingen se proclamait lui-même l’ennemi de Dieu, de toute pitié et de toute miséricorde. Par les mercenaires, la péninsule italique se trouva remplie de soldats et désarmée ; elle nourrit une caste monstrueuse, intéressée à la diviser par la guerre, et qui aurait pu la conquérir, si, envahie elle-même par les rivalités italiennes, cette caste ne s’était partagée en deux écoles ennemies, avec deux familles de capitaines, disciples, les uns de Braccio, les autres de Sforza. L’influence de cette milice mercenaire se fit sentir dans toute la politique des états italiens. Peu séduits par une gloire militaire qu’ils payaient sans la partager, réduits à redouter les triomphes qu’ils achetaient, ces états évitèrent le hasard des batailles et les grandes journées. Pourquoi combattre quand une perfidie valait une victoire ? On remplaça la guerre par la conspiration et par le meurtre ; la gloire même des condottieri servit ainsi comme l’aiguillon pour développer chez les seigneurs l’instinct et l’art de la trahison.
Les seigneurs finirent par s’imposer ; mais, en prenant possession de la terre, ils devinrent les représentans armés des rivalités locales. L’ancienne lutte des villes changea de théâtre et passa dans les dynasties. Rien n’est plus curieux que ce mélange de passion et d’égoïsme qui caractérise les guerres des seigneurs italiens. Vérone et Padoue se font représenter par les Della Scalaet les Carrare, et les deux familles se combattent pendant deux siècles, fidèles aux haines qui séparent les deux villes. Cette guerre ne finit que lorsque les Carrare sont massacrés à Venise et les Scala empoisonnés par les Visconti. Chaque ville qui tombe c’est toute une famille égorgée. Un condottiere, Gabrino Fondulo, veut s’emparer de Crémone ; il réunit les Cavalcabò seigneurs de Crémone ; il les égorge tous au nombre de soixante-dix et reste maître de la ville. A leur tour, les Visconti lui enlèvent Crémone, et Gabrino Fondulo est décapité à Milan. L’histoire des Cavalcabò se répète avec mille variantes dans les Rusca de Como, les Beccaria de Pavie, les Soardi de Bergame, dans toutes les villes conquises par les Visconti. Les tragédies des États-Romains ont une teinte plus sombre, témoin les Trinci, les Varrano, les Baglioni, les Vitelli, dont les familles sont aux prises avec l’ambition de papes et l’anarchie errante des condottieri. Les Chiavelli, maîtres de Fabriano, succombent en 1435 ; Une conspiration s’était formée contre cette famille au moment où François Sforza