et il livra ses lois, ses institutions, tout, à la condition de garder sa foi et de l’imposer aux barbares. L’inégalité violente de la conquête devint ainsi une domination légale, elle fut sacrée, il était désormais impossible de l’attaquer sans attaquer le christianisme qui la consacrait. Les barbares se convertirent pour conquérir le monde romain le monde romain se soumit pour sauver l’humanité. Le moyen-âge sortit ainsi d’un pacte primitif stipulé entre l’ancien clergé et les peuples nouveaux ; il fut l’expression d’un système unique où une papauté romaine représenta la foi de tous les hommes, tandis que la royauté germanique des empereurs représenta la puissance des anciens maîtres du monde. L’Italie, le siége de la transaction des anciennes idées avec les forces nouvelles, fut aussi la terre des deux pouvoirs. La dualité commence au Ve siècle : elle éclate d’abord par la lutte ; les Ostrogoths, les Longobards sont ariens, et l’Italie catholique, plutôt que de leur céder, accepte les tristes hasards d’une guerre de religion. Elle ne transige pas avec les Longobards convertis, la transaction ne s’accomplit que par les Franks. Consacrée d’avance par les papes, cette conquête transporte l’empire en Occident, et dès-lors le système italien est arrêté. A partir de Charlemagne, l’Italie a deux têtes, le patriarche de Rome et un roi vassal du chef de l’invasion germanique. A l’extinction des Carlovingiens, la papauté et l’empire planent sur la péninsule comme deux droits imprescriptibles ; deux papes se disputent la couronne pendant soixante ans ; rien n’est changé au fond, et avec Othon Ier le pacte de la religion et de la conquête, fixé par Charlemagne, est rétabli en 961 entre la papauté et l’empereur d’Allemagne. Le développement parallèle de la papauté et de l’empire va dominer tous les événemens de l’histoire italienne. Les deux chefs du monde doivent interpréter sans cesse le pacte qui les unit ; ils s’arrachent les fiefs, les droits, les villes ; l’église prétend que l’empereur est l’homme-lige du pape, homo papoe ; l’empereur prétend avoir le droit de nommer et de casser les souverains pontifes. Cette interprétation du grand pacte de la conquête est le progrès, la vie et aussi la guerre du moyen-âge.
Cependant, dès le XIe siècle, un fait remarquable vint modifier la situation du pays que se disputaient la papauté et l’empire. Le commerce italien s’était réfugié dans les villes. Entourées de remparts, favorisées par les traditions, presque livrées à elles-mêmes par l’empereur, ayant acheté de l’empire ou des seigneurs le droit de s’armer, de réunir le peuple sur la place publique, de nommer des consuls, de faire la guerre et la paix, de délibérer sur tout, à commencer par leur propre gouvernement, les villes italiennes formaient un monde à part, dédaigné, méprisé et toutefois doué d’une vitalité prodigieuse depuis les Alpes jusqu’à Rome. Elles étaient sorties deux à deux de