les romans possibles, fouillé avec soin, étudié de près, sort de la ligne ordinaire et dépasse le niveau commun. Sans parler du style, qui est élevé, poétique, et s’illumine çà et là de reflets étrangers, — tour à tour relevant de Goethe et de Jean-Paul, de M de Staël et de nos romanciers les plus sérieux, — sa donnée même est suffisamment originale et bien adaptée aux instincts actuels de la société anglaise. Chez nos voisins, cette aristocratie qui se débat contre les tendances modernes, noble encore dans cette grande lutte où elle doit succomber, grandiose dans ses inutiles résistances, a tout l’éclat mélancolique de l’astre qui va disparaître. Les hontes de la défaite n’ont pas amorti tous ses rayons. Ses adversaires eux-mêmes la respectent en la frappant au cœur, et le chef des tories est encore à cette heure le héros populaire de la Grande-Bretagne. Dégradée chez nous par sa faiblesse, par sa résignation forcée, la noblesse, en Angleterre, est entourée d’un prestige qui survivra, selon toute apparence, à sa grandeur, à son influence réelle, car il a son principe dans le temprament même, — si ce mot est permis, — de la race britannique. Sérieux admirateur de tout ce qui est fort, plein de vénération pour ce qui est vieux, le plébéien anglais, — dont Higgins est un excellent type, — ne peut se défendre, si libérales que soient d’ailleurs ses idées, d’un grand respect pour cette oligarchie si compacte, si habile, si obstinée, qui a conduit l’Angleterre à l’apogée de ses glorieux destins ; il ne peut se défendre non plus du charme puissant que les ruines ont toujours eu pour les natures rêveuses. Un grand domaine mis en vente présente à ses yeux l’idée d’une profanation qu’il faut empêcher, d’une chose sacrée qui va périr. Les souffrances, les douleurs concentrées d’un De Vere, sont donc intelligibles pour tous ses compatriotes. Même aux yeux cde ceux qui les jugeront chimériques, elles n’ont rien de puéril, rien de ridicule. Et Mount-Sorel inspire aux lecteurs bourgeois de la Grande-Bretagne le même intérêt abstrait qu’accordent à ces imposans navires sur le sort desquels Cooper nous a tant de fois attendris beaucoup de braves gens qui n’ont jamais vu la mer. En France, des écrivains qu’il est inutile de nommer ont tenté le même effet, et son ainsi parvenus à éveiller quelques sympathies éphémères ; mais la fibre nationale n’est plus la même : les enthousiasmes maladroits de la restauration, battus en brèche par les pamphlets de Courier, les chansons de Béranger, l’artillerie quotidienne de la presse libérale, ont usé tout ce qui restait de poétique aux vestiges chevaleresques. Un casque rouillé n’est plus nécessairement à nos yeux, celui d’un héros, et beaucoup de gens verraient crouler sans la moindre pitié le plus antique donjon de tous ceux où les nobles contemporains de Froissart abritaient leur brigandage impuni.
Pour ceux-là qui méconnaîtraient, — à grand tort, selon nous, — la donné