à coup sûr, et quand au prestige de sa grandeur passée se joignait celui d’un avenir inconnu.
Il faut donc se reporter à la fin du siècle dernier pour comprendre un récit dont le véritable héros fut une de ces imposantes résidences, un de ces grands domaines qui font encore, en Angleterre, l’orgueil de certains comtés. Ce récit court grand risque de n’inspirer en France, et de notre temps, ni une très grande confiance, ni une très grande sympathie. En Angleterre, il a paru vrai ; il a éveillé des souvenirs, il a fait appel à des émotions qui ont encore leur puissance chez nos voisins, et qui chez nous n’existent plus, — s’ils existent encore, — que pur un petit nombre de nobles et délicates imaginations.
Parmi les baronnies dont le long parlement ordonna la confiscation et la vente, on trouverait celle de Mount-Sorel, située sur les frontières du pays de Galles. Le château primitif, détruit en 1460, durant les troubles qui agitèrent les règnes d’Henri VI et d’Édouard IV, avait été remplacé par une splendide manor-house, que sir Ralph de Vere fit élever en 1557, et de laquelle ses descendans furent expulsés, en 1648, par les commissaires des communes.
Cent quarante ans s’étaient écoulés depuis lors. Le magnifique domaine, encore possédé par les héritiers du spéculateur puritain qui l’avait acquis à vil prix, était aux mains d’un jeune dissipateur ivrogne. La malédiction de Dieu semblait peser sur ce séjour, où la débauche grossière et le blasphème avaient élu domicile. Transformé en une sorte de cabaret où tous les chasseurs, tous les jockeys de la province venaient s’enivrer gratuitement, le vieux château, déshonoré par leurs orgies, privé de tous soins, mal défendu contre les ravages du temps, s’en allait chaque jour en débris, jonchant les pelouses voisines de ses créneaux déchaussés l’un après l’autre, de ses tourelles sculptées où la foudre avait fait brèche, de ses hautes et raides toitures que le vent émiettait ça et là. Le domaine, -deux mille acres de terre, — abandonné à des régisseurs subalternes, dépérissait comme le château. Les bruyères, les herbes parasites envahissaient la lande ouverte entre les bois. Ceux-ci, mal aménagés, s’encombraient d’arbres morts, tandis qu’on promenait la hache, au hasard, dans les jeunes et vigoureux taillis. Bref, l’incurie et la paresse complices du désordre et du pillage, laissaient partout leurs traces déplorables. Et cependant ce site grandiose n’avait pas perdu toute sa beauté. Insensible aux mépris de l’homme, la nature rendait chaque année aux forêts délaissées leurs frémissantes ombres, au parc ses gazons veloutés, aux vastes étangs leurs eaux limpides : elle faisait aux ruines du château saxon, contemporaines de l’heptarchie, un manteau plus ample chaque année de sombres lierres et de convolvulus, elle tapissait le plus de plus de mousses richement nuancées les piliers croulans de l’antique chapelle.