avec lui la direction politique du cabinet. Assurément, si le ministère du 29 octobre est destiné à prendre l’initiative de sages réformes en finances, en législation commerciale et industrielle, la part de M. le ministre de l’intérieur dans cette œuvre sera considérable. Ces réformes si solennellement annoncées par M. Guizot, si le ministère actuel nous les donne, M. Duchâtel y contribuera plus qu’aucun autre de ses collègues, et, sous ce rapport, le banquet de Lisieux est pour ainsi dire une représentation donnée à son bénéfice. Cependant c’est dans ce même moment que M. Guizot aspire à la présidence du conseil et étend la main pour la saisir. On comprend les causes de tiraillement et les difficultés intérieures qui occuperont de plus en plus le cabinet.
Il y aurait bien un moyen d’échapper à ces embarras ; ce serait, les élections faites, de ne tenir aucun compte des engagemens et des discours, et de se cramponner avec obstination au statu quo dans les choses et dans les hommes, comme par le passé. Cela serait peu moral, et d’ailleurs cela n’est pas possible. Le pays et le corps électoral prennent au sérieux les idées d’améliorations et de réformes ; ces idées seront, surtout au début, comme une sorte de mandat impératif pour la chambre nouvelle, et il faudra bien s’ingénier à leur trouver quelque satisfaction.
À côté de la pensée sérieuse qui est au fond du mouvement électoral, à côté des hommes éprouvés que le pays renverra avec justice sur les bancs de la chambre, à côté des hommes nouveaux que de graves études, une situation indépendante, rendent vraiment dignes de la carrière parlementaire, que de prétentions déraisonnables, que d’ambitions ridicules, quand on les compare à la valeur réelle de ceux qui les affichent ! La France est en ce moment comme un vaste forum où les candidats pullulent ; chaque jour en voit surgir de nouveaux, il en sort de dessous terre ; heureusement nous touchons au terme de cette inépuisable exhibition. Y a-t-il quelque part un médecin sans malades, un avocat sans cause ; il se trouve, comme à point nommé, quelques électeurs, voulant faire bande à part et se séparer du gros de leurs amis, qui jettent les yeux sur le médecin oisif, sur l’avocat inoccupé, et lui proposent la candidature : il l’accepte, et le pauvre diable est métamorphosé en personnage politique. En se donnant beaucoup de mouvement, il pourra réunir cinq à six voix. Nous avons aussi la candidature de quelques élégans viveurs que leur famille et leurs amis voudraient envoyer à la chambre pour en faire quelque chose. Enfin il y a le candidat nomade, toujours disponible ; on peut le demander de tous les points de la France. Au centre, au nord, au midi, on le trouve partout ; c’est le juif errant de la candidature. Il a, du reste, de nobles sentimens ; les mots de patrie et d’humanité sont toujours dans sa bouche ; seulement il ne faut pas l’interroger indiscrètement sur les affaires, sur des questions d’administration, de commerce, de diplomatie. Ce sont menus détails dans lesquels le candidat humanitaire n’entre pas.
Plusieurs membres de l’ancienne chambre passent du Palais-Bourbon au Luxembourg ; ils sont privilégiés entre tous ceux auxquels le ministère avait promis la pairie. Eux du moins ne sont pas déçus dans leur attente. Dans cette promotion, le cabinet n’a pas enlevé à la chambre des députés quelques-unes de ses notabilités utiles ou brillantes, il a fait ses choix parmi les plus modestes de nos honorables. Les nouveaux pairs ont toujours, comme le sage, aimé l’obscurité,